Winter is coming !

Juste avant l’aube, Aréna, le secrétaire de Charles Quint, vint réveiller Ephraïm, le vieux médecin astrologue qui avait pris quelques heures de sommeil. L’ayant conduit à l’empereur, il se retira. Charles Quint, quant à lui, n’avait pas dormi. En bottes, corselet de fer damasquiné sur son pourpoint et épée sur le flanc, il travaillait, examinant des cartes de la Provence.

— C’est fait ? demanda-t-il en levant les yeux.
— Oui, seigneur, veuillez m’accompagner.

L’église était toujours close et un groupe de lansquenets gardait la porte devant le cloître. Ephraïm conduisit le roi sur la pierre qui fermait la cachette. De sa botte, Charles Quint écarta les immondices et ne remarqua rien laissant croire que la dalle avait été soulevée.

— Qui pourrait se douter qu’il y a une fortune là-dessous ?

Il balaya les lieux d’un regard méfiant.

— J’ai pourtant songé à une difficulté. Si je venais à mourir demain, comment informer mon fils de cette cachette ?
— J’y ai pensé, seigneur. Venez chez moi. Je vous montrerai là-bas ce que j’ai prévu.

Ephraïm occupait une petite pièce sous les combles du bâtiment. Il y avait installé un bric-à-brac de potions et de fioles mais, pour l’heure, tout était emballé dans des boîtes et des coffres de cuir, de bois et de fer. Ne restait au milieu de la chambre qu’un chevalet avec un tableau posé dessus. L’empereur s’approcha, le front plissé dans un mélange de perplexité et de mécontentement.

— Ceci est à moi ! Pourquoi me l’as-tu pris ? tança-t-il avec colère.
— Je vais vous le rendre, seigneur, marmonna le mage. J’ai juste ajouté ce quatrain au dos.

« Nouvelle ancienne surmontera »
« L’aigle, huit troncs »
« Pierre blanche cèlera »
« Baguiers profonds »

Charles Quint lut plusieurs fois le texte, d’abord avec perplexité, puis avec agacement.

— Je n’y comprends goutte…
— C’est voulu, seigneur. C’est un rébus, je vais vous l’éclaircir.

Il lui expliqua alors comment l’aigle, les troncs et la nouvelle qui surmonterait l’ancienne permettait d’identifier le trésor avec certitude. L’ayant écouté, l’empereur hocha la tête, cette fois avec bienveillance.

— Tu penses que si nous venions à disparaître, quelqu’un pourrait l’expliquer à mon fils ?
— Certainement. Un mage, un astrologue comme moi, ou un cabaliste n’aurait aucun mal à comprendre.

Marquis de Sade - Winter is coming !

[Bien plus tard… dès années plus tard]

Yohan de Vernègues prit son amie Reynière par l’épaule et l’entraîna à l’intérieur. Le soir, ils reçurent un messager porteur d’un pli de Monsieur de Bezon :

« Demain, à midi, soyez à l’église, devant le baptistère ».

Lorsqu’ils arrivèrent, Bezon les attendaient au côté de Michel de Nostredame. L’église était vide. Gouverneur des nains de la reine, nain lui-même, Monsieur de Bezon ne dépassait pas une vingtaine de pouces. Vêtu avec une rare élégance, son épée à pommeau d’or et de nacre indiquait qu’il était gentilhomme et la lourde chaîne en or qu’on apercevait sous sa barbe grise parfaitement peignée, ainsi que les nombreuses bagues à pierres précieuses à ses doigts, prouvaient sa fortune. Nostradamus accola tendrement Yohan et encore plus Reynière, mais ce qui surprit Yohan, c’est qu’elle embrassa avec effusion le petit nain. Nostradamus s’arrêta un instant, cherchant ses mots.

— Depuis quand sais-tu que Reynière est ma nièce ? demanda alors Nostradamus à son filleul Yohan.
— Je me suis douté de quelque chose quand j’ai appris que votre mère se nommait Reynière, ce qui n’est pas un prénom courant… ensuite, il y avait cette ressemblance si troublante avec les portraits que vous avez placés dans votre escalier.
— L’histoire est plus compliquée et plus longue que tu ne le crois. Monsieur de Bezon et Reynière la connaissent depuis toujours ; laisse moi te la conter…

» Ma mère n’a eu qu’une fille, poursuivit tristement Nostradamus : elle se nommait Dauphine. Plus âgée que moi, je l’ai peu connue. Voici plus de vingt ans, j’ai reçu un courrier d’elle. Elle avait eu un garçon et me demandait assistance et conseil en tant que médecin. Elle était alors la maîtresse de Balthazar de Sade, le seigneur de Saint-Rémy et c’est lui qui lui avait fait cet enfant naturel. Mais le plus grave est que ce fils était différent. À un an, il ne grandissait pas. Je l’examinai et malgré ma science, je ne pouvais rien faire. Il resterait nain toute sa vie. Mais Balthazar de Sade n’abandonna pas son fils bien que Dauphine, croyant à une malédiction divine, ne voulut plus le voir.

» L’enfant fut élevé à Avignon, Adolescent, il développa d’extraordinaires qualités de perspicacité. A dix-huit ans, il fut reçu à la cour et le roi Henri lui confia quelques missions dans lesquelles il excella. C’est lui-même qui lui proposa de devenir gouverneur des nains. À la tête de cette minuscule armée dont personne ne se souciait, il mit en place une redoutable police secrète et personne ne se doutait que ce petit homme était si puissant !

— Monsieur de Bezon… murmura Yohan.
— Oui. Mais je n’en ai pas terminé avec ma sœur…

» Durant dix ans, je n’eus plus de nouvelle d’elle, sinon de façon épisodique. À partir de 1546, alors que je venais de m’installer à Salon de Crau, j’ai réussi à renouer avec ma famille et j’allais la voir au moins deux fois par an. C’est ainsi que j’appris son accommodement avec Balthazar de Sade dont elle était de nouveau la maîtresse. Et elle fut de nouveau grosse. La malédiction allait-elle se renouveler ? Dans l’angoisse, ma sœur me demanda de la faire avorter, ce que je refusai. Elle accoucha et, cette fois, ce fut une fille. L’enfant était adorable et elle lui donna le nom de sa mère.

— Reynière ! s’exclama Yohan.
— Oui…

» En grandissant, Reynière fut, physiquement, une réussite. Chaque année, elle était de plus en plus belle, bien que trop sérieuse. Pourtant elle possédait les mêmes qualités que son frère, complétées par un extraordinaire goût pour l’étude et les armes. Chaque fois que je pouvais me rendre à Saint-Rémy, je tentais de lui apprendre ma science. À ces dons s’ajoutaient une force physique et une adresse dignes d’un garçon. Balthazar de Sade l’aimait tellement qu’il la prit chez lui, la reconnut et lui donna son nom.

» Elle partit finalement à la cour, elle aussi, sous le nom de Reynière de Sade et devint dame de compagnie de Catherine. Mais en vérité, et tout le monde l’ignorait, elle était le bras droit de son frère. Ensuite, je n’ai eu que rarement des nouvelles d’elle. J’avais à m’occuper de mes propres enfants, et de toi.

» Au début de cette année, je reçus une lettre chiffrée de Monsieur de Bezon me parlant du trésor de Charles Quint. Bezon m’écrivait que la reine envisageait de demander à Reynière de trouver ce trésor. Quant moi, j’ai songé que tu pourrais l’aider. Seulement, peu à peu me vint une idée insensée, une idée de vieux fou. Vous faire rencontrer, et pourquoi pas… vous faire aimer l’un de l’autre. Voilà pourquoi j’ai proposé à la reine que vous travailliez ensemble. Mais je ne pensais pas qu’elle accepterait.

— Parlons plutôt du trésor, décida Bezon, où se trouve-t-il ?
— Il se trouve là-dessous, dit Yohan en désignant la dalle à leur pied.

Reynière s’écarta de la dalle avec respect.

— Comment l’as-tu deviné ? demanda Nostradamus en souriant.
— Par hasard. La nuit où Monsieur de Bezon m’a fait évader, nous sommes passés devant. Le jour se levait et j’ai vu les colonnes. Alors j’ai compris ce que voulait dire « Nouvelle ancienne surmontera ».

— Et l’aigle ? demanda Bezon qui désirait changer de sujet. Que signifie l’aigle ?
— Je l’ignore, avoua Yohan.

Un article de Jean d’Aillon, extrait de son ouvrage « Nostradamus et le Dragon de Raphaël ».

Vous l’aurez compris, cette histoire n’est que pure fiction, si Balthazar de Sade a bel et bien existé, Reynière de Sade n’a, elle, jamais vu le jour… pour autant si vous voulez en apprendre plus sur ses aventures avec de Yohan de Vernègues, veuillez vous procurer les romans de l’auteur sur l’échoppe du site.

Détails sur le produit :
Nom : Nostradamus et le Dragon de Raphaël.
Auteur : Jean d’Aillon.
Date de publication : 25 mai 2005.
ISBN-13: 978-2702497753

Nom : La Bête des Saint-Innocents
Auteur : Jean d’Aillon
Date de publication : 19 mars 2014.
ISBN-13: 978-2081316287

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Sources : Photo – Peter Dinklage, le nain « Tyrion Lannister » dans la série « Game Of Thrones » / Merci également à Julie B. pour l’info.