Trois bonnes raisons de lire le Marquis de Sade par Stéphanie Genand

Entre érotisme et perversion, les récits du Marquis de Sade font toujours l’objet de polémiques, tant pour leur violence que pour leur pornographie. Mais alors, que peut nous apporter la lecture de ses écrits aujourd’hui ?

Un article d’Elsa Mourgues

« Lire Sade, c’est découvrir le prix de la liberté ». C’est ainsi que Stéphanie Genand, maîtresse de conférence en littérature, résume l’intérêt que l’on doit porter à l’auteur sulfureux du XVIIIe siècle. La spécialiste de l’œuvre du Marquis nous propose trois bonnes raisons de le lire, alors que les débats sur le sexisme et la sexualité font toujours l’actualité.

Marquis de Sade - Les instituteurs immoraux

La connaissance de soi

Stéphanie Génand : La première raison pour laquelle il serait bénéfique de lire Sade, c’est qu’une femme, dans la perspective du rapport homme-femme, peut y apprendre à se connaître. Sade est un auteur qui déploie une connaissance du féminin, par exemple il donne la parole à des femmes, tous ses personnages sont des héroïnes : Justine, Juliette, Aline et des héroïnes qui vont faire leur apprentissage moral et sexuel au cours de l’itinéraire du roman.

Sade va donc leur apprendre leur corps, leur sexualité et va leur apprendre également le bonheur auquel elles ont droit, montrant que sur la sexualité et sur le bonheur féminin pèsent des préjugés bien plus importants, sous l’Ancien Régime mais finalement aujourd’hui encore, que sur la sexualité masculine.

Les femmes doivent apprendre à ne pas céder aux préjugés, à la pudeur, à la vertu, choses qu’on n’attend pas des hommes. Donc il n’y a aucune raison qu’on les attende des femmes. C’est une lecture émancipatrice qui met la sexualité féminine sur le même plan que la sexualité masculine. Et ça c’est très moderne, les femmes ont le droit au même bonheur sexuel que les hommes.

La connaissance des autres

La deuxième raison c’est que Sade, dans son œuvre, pense la violence, les rapports de force qui structurent le jeu social, sous l’Ancien Régime, la société étant alors totalement inégalitaire et je dirais officiellement inégalitaire, mais d’une manière plus générale dans le rapport économique, dans le rapport sexuel.

Pour Sade, l’homme est un loup, dominé par des instincts qui vont toujours faire en sorte que le plus fort domine ou exploite le plus faible. Son œuvre consiste à nous montrer ça, à nous en faire prendre conscience. Donc une femme avertie qui saura ce qu’elle risque, risquera, de fait, moins qu’une victime naïve à qui on n’aura pas auparavant appris la règle du jeu. C’est donc une lecture exigeante que la lecture de l’œuvre de Sade, mais une lecture en même temps forte et éclairante, même si elle coûte un peu parce qu’on en sort grandi mais en ayant peut-être un peu perdu ses illusions.

Le dépassement

La troisième raison, c’est que c’est une œuvre qui déploie des stratégies de survie, un art de surmonter les épreuves qui est sans égal. Sade ayant lui-même passé 30 ans de sa vie en prison sans la moindre raison objective, il a déployé des ressorts de sublimation, pour surmonter l’adversité, pour faire en sorte qu’une situation difficile, pour une femme en particulier, devienne l’occasion d’un apprentissage, d’une épreuve formatrice.

Sade a déployé ces ressorts. Lire son œuvre, c’est aussi faire cette découverte-là que même dans les situations les plus tragiques ou les plus sombres, il subsiste une solution qui est le plus souvent créatrice. C’est-à-dire que les femmes peuvent encore, même quand il ne leur reste plus rien, raconter leur histoire, prendre la parole. On voit tout une série de narratrices dans les romans sadiens qui montrent que même quand on n’a plus rien, le fait de se raconter c’est aussi une manière de retrouver sa dignité.

Détail du produit :

Relié : 352 pages
Editeur : Folio (29 novembre 2018)
ISBN-13 : 978-2072694028

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Sources : L’article de Elsa Mourgues sur le site de France Culture / Photo – Gallimard

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