Papiers importants !

20 juin 1794, Sade est paniqué. Il est persuadé qu’il va bientôt mourir, il craint pour sa vie. Ses nuits sont agitées, il se réveille le matin en sueur redoutant une décollation imminente. En cet fin de printemps, il vient de faire déposer un testament olographe chez maître Charpentier, un notaire qu’on lui a recommandé.

A la fin de l’année précédente, Eugène Coignard, en bon opportuniste, faisait ouvrir une maison de santé destinée aux riches « suspects » que la Terreur retenait dans diverses prisons parisiennes. Ces privilégiés que l’on faisait passer pour malades bénéficiaient, en échange d’une pension exorbitante, d’un meilleur traitement et se donnaient une plus grande chance d’échapper à la guillotine.

Cet établissement se situait au village de Picquepuce, près de la porte Saint-Antoine de Paris. Si l’origine pittoresque du nom du village est mal connue, quelqu’un raconte en revanche, à qui veut bien l’entendre, que ce truculent toponyme proviendrait d’une épidémie provoquant d’horribles éruptions cutanées sur la peau blanche des jeunes femmes… semblables à celles que causent les puces. Cette maladie aurait ensuite été soignée à l’aide d’une liqueur parfumée faisant disparaître tache et démangeaison et qu’un moine habitant le village confectionnait.

Marquis de Sade - Papiers importants !

Fin mars 1794, le 27 exactement, le citoyen Sade, jusqu’alors retenu à Saint-Lazare, arrive à donc à « Picpus ». Enchanté de sa nouvelle demeure, il qualifie cette dernière de « paradis terrestre [avec une] belle maison, [un] superbe jardin, [une] société choisie, d’aimables femmes ». L’euphorie du pensionnaire découvrant les lieux laissera pourtant bien vite place à la panique : une fosse destinée à recevoir les restes des suppliciés ayant été installée sous les fenêtres de la Maison Coignard. Horrifié, il écrira une lettre à son avocat et notaire Gaufridy expliquant que « […] la place des exécutions s’est mise positivement sous [les] fenêtres » de la maison et que « le cimetière des guillotinés [se trouve au] […] milieu [du] jardin ! ».

Ses craintes se verront bientôt confirmées. Dans une autre lettre, Sade dira qu’à « […] Picpus, le comble de l’angoisse est atteint en ce jour de la mi-juillet, lorsque deux hommes viennent se saisir du citoyen Magon de Lablinay, un vieillard de quatre-vingts ans. Avant de quitter ses compagnons, celui-ci remet à Coignard l’argent qui lui restait : 1200 livres en coupures de 400 francs. Le [19 juillet], il monte à l’échafaud ; le soir même, son corps amputé franchit à nouveau la clôture, dans le tombereau poissé de sang ».

Le Marquis, à l’instar des autres « malades » dont la cachette a été découverte, ne se sent plus en sécurité. A la hâte, il demande donc au curé de la paroisse, un certain Philippe-Augustin Laude, de faire déposer son testament chez le notaire. De ce dépôt, seules deux preuves sont arrivées jusqu’à nous. La première, rédigée de la main de Maître Charpentier lui-même : « Monsieur Philippe-Augustin Laude m’a remis un paquet cacheté de cinq cachets, sur lequel est inscrit : ceci est mon testament holographe, laissé entre les mains du citoyen Charpentier, notaire, place de l’école – signé : Sade. Paris, ce 2 messidor an II. [20 juin 1794] ». La seconde, provenant de la plume du Marquis, où il atteste le 16 décembre 1795 « […] qu’il existe chez le citoyen Charpentier, notaire place de l’Ecole, un testament olographe contenant [ses] dernières volontés. [priant] qu’on le retire pour en exécuter littéralement les clauses. »

Ces preuves sont donc fondamentales car il s’agit des seules traces du premier testament du Marquis, antérieur à celui de Charenton, à la veille de sa mort, et qu’il rédigea en pleine Terreur.

Sources : Photo – inconnu

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