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Lundi prochain, lundi 27 novembre, jour de la Saint Séverin, nous fêteront la mort de Clovis, roi des Francs saliens, puis roi de tous les Francs jusqu’à son décès en 511 à l’âge de 45 ans.

Clovis et Clotilde avaient une fille et trois fils. Demeurée veuve à 40 ans après le décès de son royal époux, Clotilde se consacra à ses enfants. Sa fille fit un beau mariage, mais ses fils se firent la guerre au grand désespoir de leur mère. Quand Clodomir, l’aîné, mourut au combat, ses trois enfants furent confiés à leur grand mère. Pour leur malheur, ils sont héritiers royaux. En 525, les fils de Clodomir seront égorgés par leurs oncles sous les yeux de Clotilde qui voyait ses petits enfants assassinés par ses propres enfants. Seul échappa au massacre, grâce au dévouement de quelques fidèles, le plus jeune, Clodoald, âgé alors de 5 ans, que l’on cacha dans un monastère. A la fin d’une vie remplie de bonnes œuvres, le rescapé du carnage royal, qui se faisait appeler Cloud, vint finir ses jours en ermite sur une colline proche de Paris, colline qui désormais porte son nom.

A la même époque, touché par le désir de mener une vie contemplative, un autre ermite décida de s’enfermer dans une cellule sur les bords de Seine, non loin de l’île de la Cité, pour prier et méditer. De nombreux parisiens passèrent le voir afin d’apprendre de son ascèse et de se recommander à ses prières ; le fils de Clovis, Cloud, en fit partie et devint même son disciple. A la mort du saint homme en 540, il fut décidé de l’enterrer sur le lieu même de son ermitage qui demeure encore aujourd’hui un asile de silence et de sérénité dans ce quartier débordant de vie. L’église située à cet endroit porte son nom en son hommage : il s’agit de l’église Saint-Séverin.

Hasard curieux ou plaisante concomitance de Dame Nature, c’est donc le jour de la Saint Séverin que nous fêterons la mort du père de celui qui fut son disciple. Cependant, il serait convenant de préciser que selon le martyrologe romain, Séverin est également fêté le 23 novembre, c’est à dire aujourd’hui, jour de la Saint Clément… quatrième pape de l’ère chrétienne.

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Premier père apostolique, Saint Clément, « Celui qui a vu les Apôtres », celui qui fait figure de premier « successeur » de Saint Pierre, a été exilé en Crimée où il serait mort par noyade. Selon une tradition, Clément est arrêté à une date inconnue, située entre 95 et 98, puis déporté au-delà de la mer noire dans la solitude de la péninsule Taurique, dans un endroit où se trouvaient déjà deux mille chrétiens condamnés. Relégué au fin fond de cette terre désolée, il attend sa condamnation, celle pour refus d’apostasie… le jour dit, il sera jeté à la mer avec une ancre attachée au cou.

Mais ce n’est pas lui qui nous intéresse, ni l’histoire de Saint Séverin, ni celle du fils de Clovis, ces histoires, Sade les connaît par cœur pour les avoir lues dans les nombreux volumes des « Cérémonies religieuses » qui, a titre de « curiosités », décrivaient des pratiques religieuses des plus exotiques. Ces livres, il les feuilletait dans son Château de Lacoste, en Provence, pour se distraire pendant les longues soirées d’hiver… en s’échauffant la tête avec des récits d’horreurs !

Faut-il rappeler quel était l’usage le plus courant des « Vies des saints » dans les collèges jésuites ? Les historiens qui ont souvent mauvais esprit, signalent que les exemplaires qui subsistent s’ouvrent tout seul à la même page, au 02 juin, jour de la naissance de Sade mais également jour du martyre de Sainte Blandine, représentée toujours nue, percée de flèches, les seins coupés, livrée à un taureau.

C’est donc naturellement dans les martyrologes religieux, chrétiens ou autres, que Sade va chercher l’inspiration des « 120 journées de Sodome ». Dans cet ouvrage, Sade se choisit même son saint patron. C’est Dolmancé qui le confirmera dans « La Philosophie dans le boudoir » en disant que « Chacun prêche pour son saint ». Comme Hitchcock dans ses films, Sade aime faire dans ses écrits de petites apparitions plus ou moins discrètes. Reste alors à repérer ce caméo pour trouver de quel saint il s’agit !

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Afin d’éviter de vous rendre malade en cherchant en vain cette fugace apparition de Donatien dans cet almanach qui rend fou, allez directement au chapitre du 23 novembre. A cette page, le président Curval parle d’un certain Marquis qui n’est autre que Sade lui-même : « qui ne sait pas que la punition […] produit des enthousiasmes ? […] n’a-t-on pas vu des gens bander, à l’instant où l’on les déshonorait publiquement. Tout le monde sait l’histoire du Marquis de… qui, dès qu’on lui eut appris la sentence qui le brûlait en effigie, sortit son vit de sa culotte et s’écria : « Foutredieu ! Me voilà au point où je voulais, me voilà couvert d’opprobre et d’infamie, laissez-moi, laissez-moi, il faut que j’en décharge ! » Et il le fit au même instant. »

Est-il besoin de dire que « Les 120 journées de Sodome », ce martyrologe hérétique, décrit un monde à l’envers ? Un envers qui, par cet extrait, rappelle le souvenir d’une sombre affaire, celle de Marseille, plus de 12 ans auparavant. Une sordide histoire d’empoisonnement et de sodomie, où le Marquis, après avoir fait amende honorable devant la cathédrale, sera condamné à être pendu, étranglé, son corps devant être brûlé et les cendres jetées au vent. Une sentence qui se terminera par la mise en effigie de Sade sur la place des Prêcheurs d’Aix-en-provence.

Si Sade situe toute cette scène le 23 novembre, ce n’est pas par hasard, car tout est calculé chez lui. S’il a choisi cette date, c’est à cause du saint qui est fêté ce jour-là. N’est-ce pas lui, ce saint patron, Saint Clément, qui disait à une époque où le sang des chrétiens coulait à flot : « Fixons nos regards sur le sang du Christ, et comprenons combien il a de valeur pour son Père, puisque, répandu pour notre salut, il a procuré au monde entier la grâce de la conversion. Parcourons toutes les générations et nous apprendrons que, de génération en génération, le Maître a offert la possibilité de se convertir à tous ceux qui voulaient se retourner vers lui. »

De l’autre côté du Miroir, dans le Monde à l’envers, vous voyez apparaître la philosophie de Sade : convertissez-vous, il vous dit ! Retournez-vous et priez son nom ! Et Verbum caro factum est… Et habitavit in nobis ! Amen !

Détails sur le produit
Poche: 450 pages
Editeur : 10/18 (24 septembre 1998)
ISBN-13: 978-2264026996

« Les 120 journées de Sodome ou l’école du libertinage » du Marquis de Sade en version poche, à défaut de celle originale, est disponible à l’achat sur l’échoppe du site. Pour vous procurer le ou les ouvrages vous intéressant, veuillez vous rendre dans l’échoppe en cliquant sur le titre en question. Si vous ne trouvez pas l’œuvre voulue, cela veut simplement dire que notre partenaire Amazon ne l’a pas, ou plus, en stock ; auquel cas, nous vous conseillons de revenir ultérieurement dans l’échoppe pour vérifier si elle a été achalandée.

Sources : Photo – Andres Serrano / Photo tirée du film « Salò ou les 120 journées de Sodome » de Pasolini. / Merci à Marie-Paule Farina de m’avoir guidé grâce à son guide graphique pour comprendre Sade

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