5 – Les châteaux de la subversion

« Allié par ma mère, à tout ce que le royaume avait de plus grand ; tenant, par mon père, à tout ce que la province de Languedoc pouvait avoir de plus distingué ; né à Paris dans le sein du luxe et de l’abondance, je crus, dès que je pus raisonner, que la nature et la fortune se réunissaient pour me combler de leurs dons ; je le crus, parce qu’on avait la sottise de me le dire, et ce préjugé ridicule me rendit hautain, despote et colère ; il semblait que tout dût me céder, que l’univers entier dût flatter mes caprices, et qu’il n’appartenait qu’à moi seul et d’en former et de les satisfaire. »

Cette citation de Sade tirée de son roman « Aline et Valcour » est la parfaite introduction pour la série estivale de cette année. Effectivement, cet été j’ai décidé de vous parler — du moins de vous présenter — les principaux châteaux où vécut le Marquis de Sade.

De sa naissance à sa mort, Sade traversa le pays. Du Sud au Nord en passant par la Bourgogne, Sade circula dans le royaume. Parfois dans le confort certain du luxe de ses châteaux. D’autres fois dans l’inconfort que pouvaient être les prisons de cette époque. Mais à chaque fois, ces étapes marquèrent sa vie au point de le hanter ou de les faire rejaillir dans ses histoires.

Cinquième étape d’un feuilleton que j’ai nommé « les châteaux de la subversion » en clin d’œil au livre d’Annie Lebrun : le Château de Mazan.

C’est en suivant le fil de l’Auzon, petite rivière qui traverse le village, que vous découvrirez Mazan. Située au centre du département du Vaucluse, cette petite ville blottie au pied du Mont Ventoux, bénéficie d’une situation privilégiée. Quelques 2 800 ha de son territoire sont consacrés à l’exploitation agricole et viticoles… ses fruits, ses vins et ses truffes en font toute sa réputation.

Ses remparts, datant des XII° et XIV°, témoignent de la période médiévale ainsi que l’église de Pareloup, remaniée plusieurs fois, qui abrite aujourd’hui les œuvres du sculpteur Jacques Bernus, originaire de la ville. Au Nord-Est de Mazan, vous découvrirez l’Allée des Sarcophages : le cimetière est entouré d’une succession de sarcophages de pierre du VIe et VIIe siècles, trouvés dans les champs au XVIIIe siècle. On sait qu’autrefois ils jalonnaient par centaine la voie antique Carpentras-Mormoiron et rappellent ceux des Alyscamps d’Arles.

Quelques seigneurs illustres ont laissé à Mazan de belles demeures comme le Château de Sade, qui abrite aujourd’hui un hôtel très élégant. Ce Château, à quelques kilomètres du Château de Lacoste, est un lieu chargé d’Histoire.

Construit au début du 18e siècle, le Château a vu grandir le Père et l’oncle du Divin Marquis, le célèbre Abbé de Sade. Donatien de Sade, qui passa l’essentiel de sa vie à Paris y séjourna à de nombreuses reprises, il y organisa quelques fêtes mémorables dont ce qui allait être, en 1772, le premier Festival de Théâtre en France. Les pièces dans lesquelles il jouait furent présentées en alternance à Mazan et à Lacoste.

Durant la Révolution, Sade fut déclaré indésirable à Mazan. Les archives familiales furent détruites et le Château endommagé.
Le Château resta la propriété de la famille de Sade jusqu’en 1850. Il fut ensuite résidence d’un particulier, puis école religieuse, avant de devenir en 1923 la Maison de retraite de Mazan jusqu’en 1999.

C’est alors que la famille Lhermie le rachète et entame une période de rénovation pour apporter les embellissements nécessaires et transformer la bâtisse en un très bel hôtel. Des éléments historiques comme les moulures centenaires du salon ont bien entendu été conservées.

Vingt-cinq chambres et suites se répartissent dans le château et sa chapelle, et cinq dans une maison du 17e qui fait face au château. Terrasse fleurie ou jardin privatif pour les unes, douche-hammam ou vue imprenable sur les toits ensoleillés du village pour les autres.

Pour les amoureux du folklore, un événement est à ne pas manquer à Mazan : Depuis 1725, un fois par génération, la population de Mazan se défoule en singeant l’administration et les notables lors de la Fête du Carri.

Un défilé réunit traditionnellement les consuls montés sur des mules, le char du seigneur tiré par vingt sept chevaux, suivent également plusieurs autres chars dont celui des hannetons et des escargots, deux calamités de l’époque, celui des juges des flasques ainsi que des troubadours et des trompettes à cheval… Cela promet un joyeux et pittoresque bazar !

Sources : Le site du Château de Mazan / Photos – Hôtel du château

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