Quel cul voluptueux !

Le 11 mai 1775, Nanon – l’une des nymphes nocturnes du château de La Coste – accouche d’une fille qui ne vivra que trois mois et que la rumeur publique dit « conçue des œuvres du seigneur ». Au comble de l’exaspération l’Abbé de Sade demande à la Maison du Roi de faire incarcérer son neveu « parce que ces actes de démence troublent la société et causent à sa famille des alarmes continuelles ».

Un article de Bertrand Michal

L’affaire connaît un dénouement singulier : à force d’intrigues, la Marquise de Sade, prétextant que Nanon lui a volé de l’argenterie, réussit à la faire enfermer à la Maison de force d’Arles.

Quant au Marquis, une fois encore, il a pris le large. Il est en Italie, accompagné d’un seul domestique. Le Marquis se cache à nouveau sous le pseudonyme de Comte de Mazan. Il flâne à Florence et a Rome, dévalisant les antiquaires auxquels il achète livres, estampes, urnes funéraires, statues, médaillons. Il fréquente également les bibliothèques, tâchant d’y dénicher les documents qui lui permettront d’écrire cette histoire du comportement sexuel des Anciens, à laquelle il rêve. Poursuivi par l’un de ses démons, Sade se lie avec un bibliothécaire, Giuseppe Oberti : le malheur voudra qu’une lettre du Marquis à son « conseiller technique » tombe aux mains de l’Inquisition – encore toute puissante en Italie. L’amoureux, mais imprudent Oberti, échappera de peu à la peine capitale.

Sade n’en a cure. Il est tout à l’émotion esthétique que lui ont procurée les musées de Florence. Car s’il affirme « de son horreur à visiter les églises », en revanche, les tableaux de Véronèse et du Titien lui procurent « une véritable jouissance ». Il passe ses petites mains potelées sur la Vénus d’Urbin, ne se lassant pas « d’examiner les beautés de détail de ce tableau sublime ». Quelle femme – ou quel homme – peut lui procurer cette extase dans laquelle le plonge la blancheur d’un marbre pur, celui dans lequel a été taillée la Vénus de Médicis ? « Comment se défendre de la plus douce émotion devant les contours divins de chaque membre, les arrondissements gracieux de la gorge et des fesses ? » Même tressaillement de joie physique procuré cette fois par la statue de l’Hermaphrodite, bien que s’exhale un soupir de regret devant la pudeur de l’artiste qui, « en croisant les jambes de ce monstre délicieux, [a] voulu dissimuler ce qui cache le double sexe ». Confondu de bonheur, il s’exclame tout de même : « Quel cul voluptueux ! ».

Marquis de Sade — Quel cul voluptueux !

Dans l’Histoire de Juliette, Sade parlera ainsi de l’effigie de Priape ; « La dimension fait aisément comprendre pourquoi les jeunes filles qui s’en approchaient par dévotion n’en pouvaient user d’autre sorte que d’y frotter leurs lèvres secrètes. »

Pendant que le Marquis s’abandonne à ses extases, à La Coste, sa femme continue à se débattre dans les difficultés car l’affaire de Nanon Sablonnière, mise enceinte par Sade, est loin d’être terminée. Non seulement, du fond de sa prison elle refuse de se taire, mais encore elle menace de « raconter mille horreurs » au cas où on ne la libérerait pas ; elle affirme aussi qu’elle est prête à se donner la mort « pour que le public fût instruit de tout et mettre en peine les religieuses qui ne veulent pas qu’elle écrive à ses parents ».

Les plaisirs étant une fois de plus explorés, Sade s’ennuie. Il rejette alors sur sa belle-mère la responsabilité de tout ce qui lui est arrivé. C’est ainsi qu’en octobre 1775, il écrit à Gaufridi : « En vérité, Mme de Montreuil veut ma ruine et celle de mes enfants, et il est bien malheureux pour moi de ne trouver personne d’assez ferme pour le lui faire sentir… Cette malheureuse créature, par un charme qu’elle tient du Diable à qui sans doute elle a légué son âme, entraîne tout ce qu’elle touche et dès que ses caractères magiques ont frappé les yeux de quelqu’un, on m’abandonne, je ne suis plus bon à donner aux chiens… Je vous entends dire : Monsieur, de nouveaux torts ont prolongé vos malheurs ; Monsieur, ce sont mes malheurs, mon discrédit, ma position qui prolongent mes torts et tant que je ne serai pas réhabilité, il ne se fouettera pas dans la province sans qu’on dise : c’est le Marquis de Sade. »

Détails sur le produit
Broché: 948 pages
Editeur : Omnibus (17 janvier 2013)
ISBN-10: 225809271X
ISBN-13: 978-2258092716

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Sources : Photo : L’Hermaphrodite endormi – Gian Lorenzo Bernini & inconnu

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