Le Bien et le Mal entrelacés

Sublime, elle l’était sans le moindre doute. Torturée comme son héroïne, « Penny Dreadful » aimait jouer sur la dualité de ses personnages et de son univers gothique et victorien. Malgré un final précipité et maladroit, la série de John Logan continuera de nous hanter encore longtemps.

C’était l’une des séries les plus élégantes de la télé américaine. Loin du phénomène « Game of Thrones » et des audiences records de « Walking Dead », « Penny Dreadful » s’est éteint le 21 juin dernier, dans un certain anonymat.

Pourtant, « Penny Dreadful » s’est imposé, au fil de ses 27 épisodes, comme un véritable bijou du petit écran. Une pépite esthétique et narrative, injustement méprisée, qui gagnera certainement en notoriété dans les années à venir, maintenant que l’histoire est bouclée.

Marquis de Sade - Le Bien et le Mal entrelacés

Cette dualité, voulu par l’auteur, est l’une des caractéristiques de ces monstres qui ont peuplé les fameux « Penny Dreadful », ces feuillets achetés un penny et échangés sous le manteau au 19e siècle. La série y ajoute, ici, une touche de modernité qui vient s’immiscer dans les personnalités de ses protagonistes.

Dans cet hommage au genre de l’horreur, Vanessa Ive, l’héroïne gothique de « Penny Dreadful », en fait une démonstration sans faille ; naviguant entre le péché et la vertu, allant de la demoiselle en détresse, à l’incarnation de la puissante sorcière, telle une Alice au Pays des horreurs, prisonnière de sa folie… de l’autre côté du Miroir.

Eva Green, avec ses grands yeux verts et sa longue chevelure noire-corbeau, brille fastueusement dans la peau de notre héroïne ; se livrant indubitablement corps et âme, pour ce rôle d’une rare intensité… Marlène Jobert peut être fière de sa fille, le résultat est flamboyant !

« Penny Dreadful » est une série fantastique, mystique, mais aussi historique. Elle dépeint avec une étonnante splendeur l’Angleterre colonialiste du XIXe Siècle, ses beautés et ses travers. Les cercles de jeu, les musées de l’horreur, les boudoirs sensuels, ses usines dopées au charbon, ses théâtres Grand Guignol, ses gazettes de rue sensationnalistes… Tout est là. Chaque décor, chaque accessoire, chaque costume a de quoi vous éblouir. En d’autres termes : c’est beau !

Marquis de Sade - Le Bien et le Mal entrelacés

En créant « Penny Dreadful », John Logan, en plus de vouloir réaliser une série à la fois sombre et lumineuse, s’est imposé une autre contrainte : reprendre quelques-uns des plus grands personnages de la littérature classique, pour les incorporer à sa propre narration, à sa mythologie. Ainsi peut-on croiser au fil de la série le Dorian Gray d’Oscar Wilde, les Mina Harker et Abraham Van Helsing du Dracula de Bram Stocker, le Victor Frankenstein de Mary Shelley ou encore le Dr. Jekyll de Robert Louis Stevenson. Notons, au passage, que la créature créée par Victor dans « Penny Dreadful », est le seul « monstre de Frankenstein » montré sur les écrans qui correspond à la description de Mary Shelley.

Et ça marche. Ces grandes figures romanesques se fondent intelligemment dans le grand récit gothique de l’auteur. Une vaste mythologie sombre, parfois gore ou érotique, mais parfaitement maîtrisée, où il est question de Foi, de Dieu, de Lucifer et de fin des temps.

Marquis de Sade - Le Bien et le Mal entrelacés

Ce qui frappe dans la première partie de la saison 3, c’est le discours féminin et féministe qui se dessine. Ce genre de discours visant à améliorer la situation sociale des femmes se répand certes de plus en plus dans les films et les séries contemporaines, mais il sied à merveille à « Penny Dreadful », qui offre ici un décor gothique sanglant particulièrement excitant…

Au début de cette saison se met donc en place un décor des plus alléchants car, après avoir quitté un Victor Frankenstein l’ayant littéralement façonnée pour devenir un fantasme, Lily trouve auprès de Dorian Gray un compagnon pour mener une guerre contre le patriarcat de l’époque. Le couple prend alors sous son aile une prostituée qui allait être exécuté pour le seul plaisir d’hommes sans vergogne… elle sera leur première guerrière.

Initiée par le duo, celle-ci déploie peu à peu ses ailes sanglantes de vengeresse, menée par une haine viscérale de la gente masculine. Le nouveau joujou de Lily et Dorian, cette nouvelle Némésis, est pour nous un véritable plaisir car elle porte un prénom peu ordinaire dans le Londres Victorien… un prénom fort de sens : Justine !

Se pourrait-il que l’un des plus célèbres personnages du Marquis de Sade ait inspiré John Logan, le créateur de la série ? Tous les espoirs sont permis… et au vu des passages sulfureux mettant en scène Justine, on aurait tort d’écarter cette hypothèse !

Sources :5 bonnes raison de commencer Penny Dreadful / Photo – Eva Green dans l’épisode : « Verbis Diablo » / Photo – « Justine » dans l’épisode : « Le Bien et le Mal entrelacés »

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