L’amour n’est que l’épine de la jouissance

Sade finit d’écrire « Les Cent Vingt Journées de Sodome » en novembre 1785. Toujours embastillé, il entreprend alors d’écrire « Aline et Valcour » en 1786. À la différence des « Cent Vingt Journées de Sodome », il ne s’en cache pas. Il demande des informations sur les rues de Tolède et de Madrid, sollicite l’avis de Madame de Sade sur son manuscrit, elle le lit et lui répond. Quand la Bastille sera pillée en juillet 1789, « Aline et Valcour » sera en lieu sûr, dehors, en liberté avant son auteur.

Un article de Dominique Dussidour.

Suite à l’abolition des lettres de cachet décrétée par l’Assemblée constituante, Sade est libéré le 2 avril 1790. En mars 1791, il informe son ami et avocat Reinaud de la parution simultanée d’ « Aline et Valcour », son roman philosophique, et de la première Justine.

Marquis de Sade - L'amour n'est que l'épine de la jouissance

« Justine ou les Malheurs de la vertu » paraît donc avec l’indication « en Hollande, chez les libraires associés » à la fois pour le signaler au public averti mais aussi pour éviter la censure pourtant officiellement abolie par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 ; en réalité, le roman sera publié à Paris chez Girouard… ce qui n’est pas le cas d’ « Aline et Valcour ». Ce n’est que partie remise puisqu’en 1793, le roman est annoncé chez Girouard, « à Paris, rue du Bout-du-Monde, n° 47 », avec cette précision : « écrit à la Bastille un an avant la Révolution de France », une édition en 8 volumes, in-18, ornée de 14 gravures, dont l’auteur est un certain « citoyen S*** » – mais « Aline et Valcour » ne paraît pas davantage cette année-là.

C’est qu’une révolution se déroule. Avec sa conjugaison de destructions, d’innovations techniques, d’actes de générosité, de règlements de comptes, la période semble décupler espoirs et déconvenues. En décembre 1793, Sade puis Girouard sont arrêtés comme « suspects », l’impression du roman est interrompue. Girouard est guillotiné, Sade en réchappe de peu en octobre 1794, la Terreur ayant pris fin. Aux frontières les armées républicaines combattent les coalisés européens, repoussent les tentatives de débarquement des émigrés. À l’intérieur les courants révolutionnaires s’affrontent par clubs interposés, les royalistes maintiennent la pression.

En 1795 sont créés l’Institut des sourds-muets, les écoles centrales départementales, l’École des langues orientales, le Bureau des longitudes, les cantons comme unités territoriales, le Bureau d’examen des papiers publics et le Bureau de surveillance de Paris. La prudence dans les comportements, les conversations, les prises de position reste de règle en tous lieux et dans tous les domaines, y compris en littérature.

En août de la même année, quand paraît « Aline et Valcour », par les bons soins de la veuve Girouard installée maintenant « Maison Égalité, galerie de Bois n° 196 », aucun nom d’auteur, pas même une initiale, ne figure sur la couverture. Quant à « La Philosophie dans le boudoir », paru en même temps, il est annoncé comme « ouvrage posthume de l’auteur de Justine » et prétendument imprimé à Londres.

Le 19 mai 1815, un an après la mort de Sade, « Aline et Valcour » et « la Nouvelle histoire de Justine » seront condamnés à la destruction par la Cour Royale de Paris… mais ces deux romans circulent depuis vingt ans, des exemplaires sont désormais à l’abri dans les bibliothèques.

Sources : Lisez l’article de Dominique Dussidour dans son intégralité sur le site remue.net / Frontispice d’ « Aline et Valcour » – Anonyme

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