V.I.T.R.I.O.L

Poursuivie dès ses débuts au XVIIIe siècle par la police de Louis XV, puis condamnée par le pape Clément XII, la franc-maçonnerie nourrit depuis trois siècles un imaginaire hostile qui en fabrique la légende noire, alimentant notamment le discours complotiste.

On peut ainsi dire que l’antimaçonnisme en France est né à cette époque lors des descentes de la police du roi dans les lieux de réunion des premières Loges.

Au XIXe siècle, les liens de plus en plus étroits entre les Maçons et le courant libéral et républicain suscitent une vive opposition du côté des monarchistes et des catholiques. Sous la IIIe République, les grandes figures sont aussi de grands francs-maçons, la promotion de la laïcité, de l’école de Jules Ferry et de l’égalitarisme républicain, exacerbe l’hostilité du camp adverse.

À la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, des associations comme le Comité antimaçonnique puis la Ligue franc-catholique, des revues comme « La franc-maçonnerie démasquée » et « La Bastille antimaçonnique » voient le jour pour « combattre la franc-maçonnerie ». L’idée du « complot judéomaçonnique » se développe. Le régime de Vichy et l’Occupation sont pour les francs-maçons une période noire, la franc-maçonnerie tombant dès le 13 août 1940 sous le coup des « interdictions secrètes » décrétées par Vichy.

Aujourd’hui encore, l’antimaçonnisme, notamment dans sa veine complotiste, continue de se frayer un chemin, de l’idée d’un pouvoir des « arrière-Loges » à celle d’une conspiration des « Illuminati ».

Marquis de Sade - V.I.T.R.I.O.L

Dans le même temps, la Maçonnerie irrigue régulièrement un imaginaire artistique, notamment poétique et littéraire, plus léger et plus lumineux, de Mozart à Hugo Pratt.

De grands auteurs de la littérature mondiale ont utilisé l’imaginaire maçonnique et mis en scène les idéaux et les traits, réels ou supposés, et souvent poétiquement extrapolés, de la vie en Loge : Tolstoï dans « La Guerre et la Paix » ; Gérard de Nerval, chez lequel la symbolique et l’ésotérisme sont omniprésents, dans le « Voyage en Orient » ; George Sand, fascinée par ceux qu’elle appelle « les Invisibles », dans « Consuelo et La comtesse de Rudolstadt » ; Jules Romains dans « Les Hommes de bonne volonté », à travers notamment le personnage de Lengnau ; enfin, eux-mêmes francs-maçons notoires, Rudyard Kipling et dans une autre veine, non moins poétique, l’auteur de bandes dessinées Hugo Pratt.

Mozart, quant à lui, fut initié à la franc-maçonnerie en 1784, à Vienne, et resta un Maçon actif jusqu’à sa mort en 1791. Il avait composé un hymne maçonnique dès 1772. L’un de ses opéras les plus célèbres, « La Flûte enchantée », met en scène un parcours initiatique, ponctué d’épreuves, sur fond de lutte entre les Ténèbres et la Lumière. Pour cette raison, « La Flûte enchantée » est régulièrement considérée comme un « opéra maçonnique » même si ce n’est pas la franc-maçonnerie qui l’inspira directement. Cependant on imagine assez bien que l’appartenance notoire et active de Mozart à la franc-maçonnerie et l’argument initiatique de l’œuvre, sans oublier son caractère égyptisant, aient pu contribuer à tailler à cet opéra une « vraie-fausse » réputation.

Ainsi, de « La Flûte enchantée » aux aventures de Corto Maltese, une légende dorée de la franc-maçonnerie inspire romans, opéra ou bandes dessinées.

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Jean-Baptiste-François-Joseph, lui, n’est ni compositeur ni écrivain ; il est comte de Sade, seigneur de Saumane et de Lacoste, coseigneur de Mazan, militaire et diplomate français, chef de nom et d’armes de la Maison de Sade. Né en 1701, il est, également, gouverneur héréditaire des ville et château de Vaison et commandant des chevau-légers du Comtat Venaissin… mais surtout, il est le père du Divin Marquis.

Bonhomme à la vie chargée, moins connu que Mozart ou Hugo Pratt mais tout aussi actif que son fils pour ce qui est des histoires de jupons, un journal anglais nous apprend que Jean-Baptiste-François-Joseph de Sade fut initié à Londres au côté d’un illustre jumeau — Montesquieu — à une époque où commence à apparaitre les grandes loges anglaises de la franc-maçonnerie. L’article du « British Journal », datant de mai 1730, explique ainsi :

« Nous apprenons que mardi soir, à une tenue de loge à la Horn Tavern dans Westminster où étaient présent le duc de Norfolk, Grand-maître, Nathaniel Blakerby, Vice Grand-maître, et d’autres grands officiers, […] le marquis de Beaumont, lord Mordant, le marquis de Quesne et plusieurs autres personnes de distinction, les nobles étrangers c-dessous, François-Louis de Gouffier, Charles-Louis de Montsquier [sic], Francis comte de Sade […] furent reçus membres de l’ancienne et Honorable Société des Francs-Maçons. »

Le père du Marquis de Sade reçu ainsi la lumière maçonnique en compagnie de Montesquieu, le 12 mai 1730, il y a tout juste 286 ans. Si l’auteur de « l’Esprit des lois » fréquenta largement les temples, ce qui lui valut d’ailleurs certains ennuis avec le pouvoir, le père du Marquis ne fit qu’un passage express entre les colonnes. Être franc-maçon lui servit surtout de passeport de convivialité pour pénétrer la bonne société londonienne. Une aubaine, surtout quand l’on sait que le Comte de Sade était à Londres en mission d’espionnage pour le roi Louis XV… un frère opportuniste en quelque sorte.

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Enracinée dans notre pays depuis près de trois siècles, la franc-maçonnerie continue d’intriguer et de susciter de nombreuses questions. La Bibliothèque nationale de France et le Musée de la franc-maçonnerie se sont associés pour essayer de répondre à ces interrogations en retraçant l’histoire de la franc-maçonnerie française au travers d’une exposition à la BnF « François Mitterrand » du 12 avril au 24 juillet 2016 à Paris.

En s’appuyant sur des pièces dont beaucoup sont rares et précieuses, l’exposition convie le visiteur à une véritable découverte de la vie des Loges, des lointaines origines britanniques à la France du XXIe siècle. Elle présente au public la contribution des Loges à l’histoire de France dans des domaines divers : philosophique et politique bien sûr — de la diffusion des Lumières au XVIIIe siècle, jusqu’à la construction républicaine dans les années 1880 — mais aussi religieux, littéraire ou artistique.

La Bibliothèque nationale de France propose ici de se pencher sur les faits et les documents. Mieux connaître pour mieux comprendre, c’est toute l’ambition de cette exposition sur la franc-maçonnerie.

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Détails sur les produits :
Titre : « La Franc-maçonnerie »
Poche : 343 pages
Editions : BnF (07 avril 2016)
ISBN-10: 2717726993
ISBN-13: 978-2717726992

Titre : « Les Aventuriers de la République »
Broché : 304 pages
Editeur : Fayard (4 novembre 2015)
ISBN-10: 2213686025
ISBN-13: 978-2213686028

« La Franc-maçonnerie » de Pierre Mollier, Sylvie Bourrel et Laurent Portes et « Les Aventuriers de la République » de Jacques Ravenne et Laurent Kupferman sont disponibles à l’achat sur l’échoppe du site. Pour vous procurer le ou les ouvrages vous intéressant, veuillez vous rendre dans l’échoppe en cliquant sur le titre en question. Si vous ne trouvez pas l’œuvre voulue, cela veut simplement dire que notre partenaire Amazon ne l’a pas, ou plus, en stock ; auquel cas, nous vous conseillons de revenir ultérieurement dans l’échoppe pour vérifier si elle a été achalandée.

Sources : « Illuminati Puppet » de Tin72 / « Corto Maltese » d’Hugo Pratt / « The Horn » de Anonyme / « Les Aventuriers de la République : ces francs-maçons qui ont fait notre histoire » par Jacques Ravenne et Laurent Kupferman / Dossier de presse de l’exposition organisée par la BnF

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