De Sade à Sagan : l’histoire du Carré Saint-Lazare

Dans le 10ème arrondissement parisien, à quelques mètres du boulevard Magenta, non loin de la gare de l’Est, se trouve le carré Saint-Lazare qui était anciennement une partie des bâtiments de la prison Saint-Lazare. Ce site historique, installé entre trois jardins, longé par une ruelle aux allures du Paris d’autrefois, et à l’écart de l’intense circulation du boulevard, garde la trace d’un Paris populaire, social, politique et littéraire. Il s’inscrit dans un ensemble plus vaste dit le clos Saint-Lazare.

Ancienne léproserie bénéficiant de la protection royale, Saint-Lazare est remis à Vincent de Paul qui y installe la Congrégation de la Mission à partir de 1632. Les Lazaristes, nom donné aux frères et aux prêtres de cette congrégation, construisent alors plusieurs bâtiments pour l’accueil des pauvres et le soin des malades dans le faubourg Saint-Laurent, comme l’hôpital des Enfants trouvés ou l’hospice du Saint-Nom-de-Jésus, situé près de l’église Saint-Laurent.

Marquis de Sade - De Sade à Sagan : l’histoire du Carré Saint-Lazare

Sous la Révolution, la nuit du 12 au 13 juillet 1789, la Maison Saint-Lazare est pillée, puis mise à la disposition de la Nation par le décret du 2 novembre suivant. Les religieux qui étaient une centaine durent quitter leur convent le 1er septembre 1792, après la suppression des congrégations. La Maison devient alors une prison sous le gouvernement révolutionnaire. Lors des derniers jours de la Terreur, la « Conspiration des Prisons » — opération d’élimination des prisonniers — y fit 165 victimes. Depuis 1811, c’est un « hôpital-prison » pour femmes dépendant de la Préfecture de police. Lors de la démolition de l’église Saint-Lazare en 1823, l’administration pénitentiaire décide une modernisation : l’architecte Louis-Pierre Baltard, responsable des prisons du département, père du célèbre architecte des Halles de Paris, en a la charge de 1824 à 1834. Il construit en particulier une nouvelle chapelle, organisée de façon à séparer verticalement les différentes « classes » de détenues, et une infirmerie au fond de la 3ème cour. Les communardes, Louise Michel ou Nathalie Lemel, des figures romanesques, comme Mata Hari, ou encore Marthe Hanau (la fameuse « banquière ») y ont été enfermées.

En 1928, le Conseil général de la Seine décide la démolition d’une partie des bâtiments de la maison d’arrêt et de correction. La prison va devenir la Maison de santé Saint-Lazare, destinée aux femmes et à la lutte contre les maladies vénériennes. Le projet de l’architecte Gaston Lefol consiste à réhabiliter l’édifice projeté par Baltard et à construire des bâtiments plus adaptés. Les deux pavillons encadrant la chapelle sont reconstruits, un dispensaire est inauguré. Les aménagements intérieurs répondent aux exigences de circulation des hôpitaux contemporains. L’ensemble des anciens bâtiments est détruit en 1940 et 1941. La Maison de santé Saint-Lazare cesse ses activités en 1955 et devient ensuite l’hôpital Saint-Lazare. Géré par l’assistance publique à partir de 1961, il dépend du groupe hospitalier Lariboisière-Fernand-Widal-Saint-Lazare.

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Un nouveau projet de réaménagement du carré Saint-Lazare débute à la fin des années 1990. Cependant, l’hôpital ferme définitivement ses portes fin 1998. Dès lors, la Mairie de Paris décide d’engager un important plan de restructuration de l’ensemble du site. L’école maternelle de l’architecte Jean-Luc Hesters est inaugurée en 2006. Une crèche et un centre social sont livrés en 2009 par l’atelier Canal. En 2013 est inauguré le gymnase Marie-Paradis. Et en 2015, la médiathèque Françoise Sagan ouvre ses portes… du nom de la célèbre écrivaine française, née à Cajarc dans le Lot et morte à Honfleur d’une embolie pulmonaire.

La surface totale de cette dernière est de 4300 m², dont 2600 ouverts au public, ce qui en fait l’une des plus grandes bibliothèques municipales de Paris, ainsi qu’un jardin intérieur de 1000 m², inspirés des cloîtres méditerranéens. Cette médiathèque s’adresse à tous les publics et offre un large éventail de services ainsi que des collections et des supports diversifiés.

De grande capacité, elle offre aux habitants du 10ème arrondissement et des quartiers voisins de nouveaux espaces de travail et de convivialité. Les familles y trouvent des espaces pour les jeunes enfants et un accueil adapté. Le partenariat avec les associations et autres partenaires institutionnels vise à créer une dynamique au service des habitants du quartier. Des espaces de travail, des outils numériques importants, compléteront l’offre et permettront une diversification des publics.

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Si cette médiathèque nous intéresse aujourd’hui, ce n’est pas parce que Sagan fut publié chez Pauvert — l’éditeur de Sade — mais bien évidemment parce que le Marquis y séjourna un temps ; non pas pour y avoir emprunté un livre, mais plutôt à cause d’un petit texte soi-disant blasphématoire n’ayant pas plus à un certain Maximilien.

Résumons : en novembre 1794, Sade est chargé par six sections de rédiger une pétition sur l’abandon des « illusions religieuses ». Le 15 du même mois, Sade a fini la rédaction du texte et se retrouve à lire cette pétition à la Convention… idée plutôt saugrenue, car s’exposant imprudemment à ses détracteurs. Robespierre, lors de cette lecture, est présent et écoute attentivement le discours du Marquis. Or, chacun sait que Robespierre déteste l’athéisme aussi bien que les mascarades antireligieuses… il n’apprécie donc pas Sade.

Lever écrira en 1991 à ce propos : « Robespierre et Sade ! Le premier, cravaté de roideur vertueuse ne pouvait que mépriser l’adiposité de son collègue de section. Ce prototype du voluptueux lui inspira sûrement, dès la première rencontre, un insupportable dégoût […] L’antipathie de Robespierre dut se changer en haine après la pétition [du mois de novembre] ».

Cela ne rate pas. Une semaine plus tard, Robespierre répond à Sade dans son « Discours pour la liberté des cultes » prononcé au club des Jacobins : « Nous déjouerons dans leurs marches contre-révolutionnaires ces hommes […]. Oui, tous ces hommes faux sont criminels, et nous les punirons malgré leur apparent patriotisme. » dira-t-il.

Un mois plus tard — le 8 décembre — Sade sera incarcéré aux Madelonnettes comme « suspect ». Début 1794, il sera envoyé aux Carmes, avant d’être ensuite transféré à la prison de Saint-Lazare… où il y restera jusqu’à fin mars de la même année.

S’il vous prend l’envie de venir prier ses mânes au Carré Saint-Lazare… n’hésitez pas, cela lui fera plaisir !

Sources : Le site de la médiathèque / « Saint-Lazare en 1632 » – delcampe.net / « La prison Saint-Lazare » – Gallica / « Médiathèque Françoise Sagan » – Anonyme

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