Elle avait un beau corps, mais une âme plus belle encore

« Isis, Apollo et Venus ne sont rien
pas plus que Maximilien, ils ne sont rien
car ils ont été forgés par la violence,
ici, des mains que le crime honore »

Tels furent les derniers mots de Sainte Eulalie au proconsul Dacien : le 10 décembre, il y a maintenant plus de 1700 ans.

Eulalie avait environ 13 ans lorsqu’elle décida de se dénoncer au Tribunal de Calpurnius. Elle fut condamnée à mort et mourut martyre, préférant la mort sur cette Terre plutôt que renier « Celui qui donne la Vie ». Citée par Saint Augustin, nous n’avons d’elle qu’un hymne de l’écrivain Prudence qui chante son supplice en des termes légendaires.

On la fouetta, on lui versa de l’huile bouillante sur le sein, on la plongea dans un bain de chaux embrasée, on lui jeta du plomb fondu sur tout le corps… mais comme tous ces tourments ne la défiguraient point : on lui arracha les ongles, puis on la traîna par les cheveux et on la jeta toute vive dans les flammes d’un bûcher dressé là. Pourtant, cette sentence terrible ne fit que donner de la joie à Eulalie.

Alors, seulement au milieu du brasier, elle ouvrit la bouche comme pour avaler les flammes, et laissa sortir son âme sous la figure d’une colombe qui, s’envolant vers le Ciel, fit tomber de la neige rendant à son corps sa beauté merveilleuse.

Marquis de Sade - Elle avait un beau corps, mais une âme plus belle encore

Quelques 240 ans plus tard, une légende raconte qu’un certain Childebert, fils de Clovis, de retour de Saragosse, aurait ramené à Lyon les reliques de la fillette… charge à Saint Sacerdos — évêque de Lyon à cette époque — de les mettre à l’abri dans un couvent dédié à la sainte au pied de la Saône.

Petit bon en avant… l’horloge indique maintenant l’année 1768 ; les astres précisent le mois de novembre. Eulalie est digérée par les vers depuis pas mal de temps, de même pour Childebert et Saint Sacerdos. Dorénavant, l’église Saint-Georges remplace l’ancien couvent qui fut ravagé par les Sarrasins 970 ans plus tôt. Des os de la sainte, il ne reste rien. Seuls les fidèles se souviennent du courage de la jeune fille.

Un peu plus au Nord — 1600 mètres en suivant la rivière — réside sur ordre du roi un joyeux trublion. Dans cette demeure, bâtie sur le lieu-dit de la « Pierre fendue », pour avoir abusé d’une veuve de presque dix ans son aînée, se trouve enfermé depuis bientôt quelques mois, un jeune aristocrate de vingt-huit ans à peine.

Véritable Bastille du lyonnais, la forteresse de « Pierre-Encise » domine la Saône à un endroit où la rivière s’engouffre entre la colline de Fourvière et celle de la Croix-Rousse. De cet ensemble assez massif, se détache une haute tour ronde édifiée au sommet du rocher et tenant lieu de donjon. On accède au château par une porte située au bas de la colline, appelée « Porte de Pierre Scize », puis par un escalier de plus de 200 marches, taillé dans le roc. De cette prison perchée, c’est sûr, Rose Keller — la victime — peut dormir tranquille, le Marquis de Sade — son bourreau — n’est pas près de partir. Seulement voilà, fin novembre, le Marquis est dehors : le roi vient de l’affranchir. Libéré mais pas complétement libre, Donatien doit faire profil bas en restant sur ses terres… le temps que l’affaire se tasse dirait-on maintenant !

N’imaginez pas qu’à sa descente du rocher, le brave Marquis ait remercié son souverain en allant se recueillir sur les restes de Sainte Eulalie. Non. L’histoire est moins belle que ça : celui-ci a filé tout droit en Provence ; pourquoi s’attarder auprès d’une morte alors que de la chair fraîche l’attend à Lacoste ?

Sources : « Le martyre de Sainte Eulalie » – John William Waterhouse

Pour en savoir plus , fondateur du forum et de ce blog.

Elle avait un beau corps, mais une âme plus belle encore

« Isis, Apollo et Venus ne sont rien
pas plus que Maximilien, ils ne sont rien
car ils ont été forgés par la violence,
ici, des mains que le crime honore »

Tels furent les derniers mots de Sainte Eulalie au proconsul Dacien : le 10 décembre, il y a maintenant plus de 1700 ans.

Eulalie avait environ 13 ans lorsqu’elle décida de se dénoncer au Tribunal de Calpurnius. Elle fut condamnée à mort et mourut martyre, préférant la mort sur cette Terre plutôt que renier « Celui qui donne la Vie ». Citée par Saint Augustin, nous n’avons d’elle qu’un hymne de l’écrivain Prudence qui chante son supplice en des termes légendaires.

On la fouetta, on lui versa de l’huile bouillante sur le sein, on la plongea dans un bain de chaux embrasée, on lui jeta du plomb fondu sur tout le corps… mais comme tous ces tourments ne la défiguraient point : on lui arracha les ongles, puis on la traîna par les cheveux et on la jeta toute vive dans les flammes d’un bûcher dressé là. Pourtant, cette sentence terrible ne fit que donner de la joie à Eulalie.

Alors, seulement au milieu du brasier, elle ouvrit la bouche comme pour avaler les flammes, et laissa sortir son âme sous la figure d’une colombe qui, s’envolant vers le Ciel, fit tomber de la neige rendant à son corps sa beauté merveilleuse.

Marquis de Sade - Elle avait un beau corps, mais une âme plus belle encore

Quelques 240 ans plus tard, une légende raconte qu’un certain Childebert, fils de Clovis, de retour de Saragosse, aurait ramené à Lyon les reliques de la fillette… charge à Saint Sacerdos — évêque de Lyon à cette époque — de les mettre à l’abri dans un couvent dédié à la sainte au pied de la Saône.

Petit bon en avant… l’horloge indique maintenant l’année 1768 ; les astres précisent le mois de novembre. Eulalie est digérée par les vers depuis pas mal de temps, de même pour Childebert et Saint Sacerdos. Dorénavant, l’église Saint-Georges remplace l’ancien couvent qui fut ravagé par les Sarrasins 970 ans plus tôt. Des os de la sainte, il ne reste rien. Seuls les fidèles se souviennent du courage de la jeune fille.

Un peu plus au Nord — 1600 mètres en suivant la rivière — réside sur ordre du roi un joyeux trublion. Dans cette demeure, bâtie sur le lieu-dit de la « Pierre fendue », pour avoir abusé d’une veuve de presque dix ans son aînée, se trouve enfermé depuis bientôt quelques mois, un jeune aristocrate de vingt-huit ans à peine.

Véritable Bastille du lyonnais, la forteresse de « Pierre-Encise » domine la Saône à un endroit où la rivière s’engouffre entre la colline de Fourvière et celle de la Croix-Rousse. De cet ensemble assez massif, se détache une haute tour ronde édifiée au sommet du rocher et tenant lieu de donjon. On accède au château par une porte située au bas de la colline, appelée « Porte de Pierre Scize », puis par un escalier de plus de 200 marches, taillé dans le roc. De cette prison perchée, c’est sûr, Rose Keller — la victime — peut dormir tranquille, le Marquis de Sade — son bourreau — n’est pas près de partir. Seulement voilà, fin novembre, le Marquis est dehors : le roi vient de l’affranchir. Libéré mais pas complétement libre, Donatien doit faire profil bas en restant sur ses terres… le temps que l’affaire se tasse dirait-on maintenant !

N’imaginez pas qu’à sa descente du rocher, le brave Marquis ait remercié son souverain en allant se recueillir sur les restes de Sainte Eulalie. Non. L’histoire est moins belle que ça : celui-ci a filé tout droit en Provence ; pourquoi s’attarder auprès d’une morte alors que de la chair fraîche l’attend à Lacoste ?

Sources : « Le martyre de Sainte Eulalie » – John William Waterhouse

Pour en savoir plus à propos de M. de Sade, fondateur du forum et de ce blog.