Sade et le sexe

« Quand on voudra s’occuper utilement du bonheur des hommes, c’est par les dieux du ciel que la réforme doit commencer. » disait le Baron d’Holbach. Le Divin Marquis (1740-1814) de Sade fut un enfant des Lumières, un champion de l’athéisme comme le fut le baron d’Holbach. On retrouve en effet dans son œuvre quelques fulgurances que n’auraient pas reniées un Robespierre, un Saint-Just ou un Marat : « Je vous demande maintenant si elle est bien juste, la loi qui ordonne à celui qui n’a rien de respecter celui qui a tout » dit-il dans La Philosophie dans le Boudoir.

Avec Condorcet, il fut l’un des seuls philosophes à être encore vivant et même embastillé lorsque se déclenche la Révolution. Mais fut-il vraiment un philosophe ou plus simplement un précurseur de la pornographie ? Un philosophe bien sûr. Il fut le négatif intégral de Kant, développant une philosophie de la liberté intégrale, sans contrainte, sans loi, sans préjugé et sans morale.

Matérialiste dans la lignée des atomistes (Leucippe, Démocrite, Épicure, Lucrèce), Sade niait l’existence des dieux : « L’idée de Dieu est, je l’avoue, le seul tort que je ne puisse pardonner à l’homme » écrit-il dans l’Histoire de Juliette.

Dostoïevski, dans les frères Karamasov, disait que « si Dieu n’existait pas (au sens du gardien de la morale) alors tout serait permis. » Hors Sade, ouvertement athée, a compris bien avant l’auteur russe que l’incroyance est le plus grand pouvoir qui soit ; l’incroyant ayant fait de Dieu un néant impossible à anéantir puisqu’il l’a déjà fait.

Marquis de Sade - Sade et le sexe

Le jugement dernier n’étant qu’un conte de bonne femme, l’enfer un lieu imaginaire, la porte est grande ouverte au péché, à tous les excès, et en particulier les excès sexuels ; car il y a deux sortes d’Homme sur terre : le Bourreau et sa Victime. La Nature seule fait la loi : le lion mange la gazelle, car il est le plus fort et que c’est dans sa nature de carnivore. Il n’y a pas de jugement de valeur à porter dans cet acte qui pourrait, de prime abord, être vu comme cruel. Le lion n’ira pas en enfer pour autant : il ne fait qu’être lion. L’homme doit faire de même : « Je suis l’homme de la nature avant d’être celui de la société » dit le Marquis de Sade dans La Nouvelle Justine.

Le fort peut — et doit — se servir du faible, notamment pour assouvir ses besoins naturels, ses fantasmes sexuels. Du coup, débarrassé de la morale chrétienne, Sade ne jure que par l’excès… plus l’acte est extrême, plus il est bon : « Tout est bon quand il est excessif » écrit-il dans La Nouvelle Justine, ou encore « Pour que le plaisir soit complet que le choc soit le plus violent possible » dans l’Histoire de Juliette.

La cruauté, avant tout et notamment dans la débauche de sexe, doit donc être recherchée, car elle est naturelle : « La cruauté, bien loin d’être un vice, est le premier sentiment qu’imprime en nous la nature ; l’enfant brise son hochet, mord le téton de sa nourrice, étrangle son oiseau, bien avant que d’avoir l’âge de raison » lit-on dans La Philosophie dans le Boudoir.

La victime doit être exposée, totalement soumise, mais de manière intelligente, organisée, mise en scène. Le crime ne doit pas être exclu et la douleur recherchée : « Il n’est aucune sorte de sensation qui soit plus vive que celle de la douleur ; ses impressions sont sûres, elles ne trompent point comme celles du plaisir » apprend-on dans Justine ou les malheurs de la Vertu.

À l’inverse d’un Kant, il estime que le but premier de l’acte sexuel est le plaisir, la procréation n’arrivant qu’en second : « Une jolie fille ne doit s’occuper que de foutre et jamais d’engendrer » annonce le Marquis dans La Philosophie dans le Boudoir. […] Sade va même jusqu’à assimiler l’amour à une maladie incurable : « L’amour est-il un mal dont on puisse guérir ? » écrit-il dans Justine ou Les malheurs de la vertu.

On le voit, Sade se situe tout en haut de l’échelle de la liberté sexuelle lorsque Kant se situe tout en bas (en faite juste au-dessus des penseurs chrétiens que sont Saint Augustin ou Thomas d’Aquin). Il sera bien entendu assimilé au mal absolu par la scolastique. Il faudra attendre le XXème siècle pour qu’il soit lu à nouveau et reconnu comme un philosophe à part entière

Un article de Jean-Philippe Bouton.

Sources : Photo – Dubout / L’article sur le blog de l’auteur

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