Du bon usages des titres de noblesse

On croit généralement qu’il y a une sorte de classement entre les titres qui serait le suivant : Prince / Duc / Marquis / Comte / Vicomte / Baron / Chevalier / Écuyer. On notera au passage que, contrairement à une idée reçue, le vicomte n’est pas un vice-comte, mais celui qui exerce la charge de vicaire, c’est-à-dire la fonction judiciaire et que, par ailleurs, avant le XIVème siècle le terme de baron n’existe pas encore — on disait à l’époque « Seigneur de… » — et on n’oubliera pas enfin les deux derniers titres de chevalier et d’écuyer qui sont des titres de noblesse sans fief.

Ce classement s’explique par les pouvoirs de nature militaire et judiciaire qu’exerce le duc sur un ensemble de comtés — un peu comme nos préfets d’aujourd’hui — et ceux militaires du marquis pouvant lever le contingent de l’armée sans en avoir reçu l’ordre du souverain, de façon à pouvoir réagir rapidement en cas d’invasion ; le marquis étant un comte contrôlant un comté situé à la frontière du royaume (on appelle ça une « marche »). C’est cette autorité accrue qui permettra par la suite aux marquis de prétendre avoir un rang hiérarchique supérieur à celui des comtes.

Mais, sous l’Ancien Régime, il n’y a dans les faits pas de hiérarchie entre les titres nobiliaires sauf pour ceux de duc et de prince : un comte est alors le plus haut rang de la noblesse, la plus haute dignité de la noblesse française d’Ancien Régime. Il faut savoir que cette idée de hiérarchie est une invention qui date du XIXème siècle : elle a été introduite en France par Napoléon Ier, qui s’est inspiré du système anglais, et ne concerne donc que la noblesse dite d’Empire. En réalité, le titre n’a guère d’importance : ce qui compte, c’est le nom. Ce n’est donc pas le titre mais le patronyme qui fait le prestige ; prestige lui-même déterminé soit par l’ancienneté, soit par la grandeur de la maison dont on est issu. Pour exemple, le Comte de Paris, qui prétend pourtant au trône de France, n’est que comte.

Marquis de Sade - Du bon usages des titres de noblesse

Et Sade dans tout ça ?

Le grand-père de Sade, Gaspar-François, élu de la noblesse comtadine en 1704 devient par la suite « Marquis de Mazan » avec la fonction de viguier d’Avignon. Colonel de l’artillerie et cavalerie du pape, capitaine du château et de la ville de Vaison, il était également Seigneur de Saumane et de Lacoste. Il fut, semble-t-il, le premier à être dit « Marquis de Sade ».

Jean-Baptiste de Sade — le père du Divin Marquis — était, quant à lui, capitaine de Dragons pour la France, ambassadeur à Saint-Pétersbourg, commandant des chevau-légers du Comtat Venaissin, mais aussi lieutenant général des provinces de Bresse, Bugey, Gex et Valromey. Collectionneur de maîtresses illustres, libertin notoire, il se faisait appeler « Comte de Sade ».

La tradition de cette époque, selon le droit d’aînesse, voulait que les titres de noblesse aillent par hérédité à l’aîné de la famille. Ainsi Jean-Baptiste aurait dû être en toute logique, à la mort de son propre père, « Marquis de Mazan » ; or le certificat de noblesse délivré à Donatien en 1754 par le généalogiste officiel Clairambault, pour lui permettre d’entrer à l’école des chevau-légers de la Garde, qualifie le postulant de : « fils de Messire Jean-Baptiste-François de Sade, appelé Comte de Sade, Chevalier, Seigneur de Mazan »… où est passé le titre de Marquis ?

Dans une lettre adressée à sa femme en janvier 1784, Sade écrit : « […] madame, à présent que voilà votre fils aîné une espèce de personnage dans le monde, je dois vous prévenir que mon intention est de suivre l’usage établi dans toutes les familles, où le chef prend le titre de comte, et laisse celui de marquis à son fils aîné. Je ne ferai d’ailleurs, relativement à moi, que ce que le Roi veut sans doute que je fasse, puisque je n’ai pas un seul brevet, ni de ma charge, ni de mes emplois, pas une seule lettre de princes ou de ministres qui ne me soit adressé sous ce titre. Je vous dis cela afin que vous y accoutumiez le public qui, une différente habitude prise, changerait difficilement après ses idées. »

Marquis de Sade - Du bon usages des titres de noblesse

Ainsi, les titres de « Comte de Sade » et celui de « Marquis de Sade », semblent n’être que des titres de courtoisie, sans érection par lettres patentes du fief de Sade en fief de dignité. Si Sade est bien qualifié par ses contemporains de « Marquis » jusqu’à la mort de son père en 1767, après celle-ci il est indifféremment traité de « Marquis » ou de « Comte » : le parlement d’Aix, dans sa condamnation de 1772, lui donne le titre de « Marquis de Sade » ; il est incarcéré à la Bastille en 1784 sous le nom de « Sieur Marquis de Sade » ; l’inscription de la pierre tombale de sa femme porte la mention de « Mme Renée-Pélagie de Montreuil, Marquise de Sade » ; il est, cependant, enfermé à Charenton en 1789 sous le nom de « Comte de Sade » et son acte de décès de 1814 le qualifie également de « Comte de Sade ». Quant à Sade lui-même, à partir de 1800, il décide d’abandonner tout titre et particule et signe jusqu’à la fin de sa vie « D.-A.-F. Sade » ; sur l’en-tête de son testament figure : « Donatien-Alphonse-François Sade, homme de lettres ».

Après la mort de ce dernier, ses fils refusèrent de porter le titre de « Marquis » préférant celui de « Comte » ; une façon discrète d’oublier le souvenir de leur père en quelque sorte. Ce n’est qu’avec l’avènement du bicentenaire de leur illustre aïeul que les descendants du Divin Marquis décidèrent de le montrer aux yeux du Monde en étant fier d’un auteur qui fait pleurer les livres, en portant à nouveau le titre de « Marquis ». En 2014, Elzéar, fils de Rose et Xavier de Sade, est donc le premier depuis la mort de Donatien en 1814 à défendre le souvenir de son ancêtre en arborant fièrement le titre de « Marquis de Sade ».

Pour finir voici un petit truc léger qui colle bien avec les propos du dessus… remplacez Perceval par Sade et vous avez trouvé le « vrai » Chevalier de Provence, source de nombreuses légendes à Kaamelott.

Sources : Photos – The Accolade par Edmund Blair Leighton / Photos – Anonymes / Article de Zul extrait du site nitescence.free / Kaamelott – « Le Chevalier mystère »

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