A perte de vue devant moi, je vois des champs

Début du précédent millénaire, pays d’Avignon. Une modeste famille de Provence, originaire sans doute d’un petit village au large de la ville, trouve la voie de la fortune dans le commerce du cannabis… La famille de Sade — puisqu’il s’agit d’elle — posséde des terres où elle fait pousser en masse des plants de ce sympathique végétal et n’a d’autres choses à faire de ses journées que : carder, peigner, filer et rêver d’un avenir radieux pour les siens.

Non, ne dite rien, je vois d’ici vos têtes.

Plante annuelle à feuilles palmées, le cannabis est cultivé à cette époque pour sa tige (d’où sera tirée de la fibre textile), mais aussi pour ses chènevis (graines qui, une fois pressées, donnent de l’huile). Il se cultive en champs de dimension réduite aux environs immédiats des maisons ; les chènevières nécessitent effectivement des soins quotidiens et une surveillance constante : les oiseaux étant très friands des chènevis.

Climat idéal pour faire pousser le chanvre — autre nom du cannabis — le pays d’Avignon a ainsi pu voir prospérer et grimper les Sade dans l’échelle sociale. Marchands de filasses et de toiles de chanvre, en quelques années, les voilà au centre de la bourgeoisie avignonnaise. Quelques années de plus, les voilà finançant une partie du « fameux » pont d’Avignon. Encore un peu et ils sont en route vers Jérusalem. L’ascension est fulgurante : le cannabis a le vent en poupe, les Sade rêvent de briller dans leur Pays… Est-ce pour cela que sur leur écu nous trouvons « l’Étoile du Berger » en meuble luminaire ? Dans un hasard curieux, sorte de synchronicité intergénérationnelle, cette étoile symbolise également Ishtar — déesse de l’amour mésopotamienne — et semble prophétiser la venue du Marquis de Sade des siècles plus tard.

Marquis de Sade - A perte de vue devant moi, je vois des champs

Les affaires des Sade marchent. Les lieux dits « chènevières » ou « canebières » avec leur étymologie commune venant de l’ancien français : « cheneve, chanvre » sont témoins du passé prospère de cette Provence du temps jadis… la « Canebière » de Marseille en est le principal exemple.

Le chanvre, originaire d’Asie centrale, s’est répandu vers la Chine, toute l’Asie et le bassin méditerranéen. En Chine, on le cultive depuis environ sept mille ans pour l’alimentation, la pharmacopée, la confection de vêtements et pour la fabrication de papier.

Faire pousser du chanvre pour le textile est aujourd’hui réglementé, seules les variétés non psychotropes sont autorisées à la culture en France ; culture soumise à déclarations officielles dans le cadre de la réglementation du chanvre à textile. La réglementation diffère dans d’autres pays où le cannabis entre dans la composition de médicaments analgésiques particulièrement efficaces contre les douleurs intenses dues à la sclérose en plaques et à certains cancers. Le chanvre indien par exemple, différent du chanvre européen, est utilisé pour sa fumée hallucinogène. Il s’agit là de deux variétés qui diffèrent par la teneur en substances psychotropes. Le principe actif est le tétrahydrocannabinol qui va de 0 à 0,2 % pour les variétés autorisées à plus de 10% pour les variétés utilisées comme drogue.

Voilà, vous savez tout… Aujourd’hui, les Sade ne cultivent plus de Chanvre, la fibre synthétique à remplacer la naturelle. La famille modeste du début peut quand même être fière de ses rejetons, car son rêve initial s’est réalisé : son nom brille au firmament !

Sources : Photo – Paul-Antoine Pichard / Chanvre

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