8 — Raisonnable ou non, tout s’en mêle…

Il fait chaud, les jupes raccourcissent, le teint devient hâlé… ça y est, c’est sûr, l’été est là. Les journées n’en finissent pas, le Soleil est haut dans le ciel, les nuits sont courtes, peut-être un peu trop mais c’est une autre histoire.

Afin de pouvoir profiter au maximum de cette période que tout le monde attend avec impatience, je vous propose de marquer une pause éditoriale… Ainsi jusqu’à la fin du mois d’août, je vous parlerais de poésie !

Connaissez-vous le dizain ? Il s’agit d’une strophe ou un poème de dix vers. Dans la poésie française, cette forme a souvent été utilisée au XVe siècle et au XVIe siècle, notamment par Maurice Scève mais aussi par Joachim du Bellay. Le dizain comme forme de poème a ensuite été délaissé jusqu’à ce que Sade le reprenne dans son « Histoire de Juilette » en paraphrasant le célèbre poème d’Alexis Piron ; pastiche qu’il attribue au cardinal de Bernis.

« L’Histoire de Juliette ou les Prospérités du vice », roman écrit et publié par le Marquis de Sade, est le second volet d’une autre œuvre : la fameuse histoire de « Justine ou les Malheurs de la vertu »… Justine étant la soeur de Juliette. Justine, martyr de l’Histoire et Juliette, incarnation de l’Histoire, mais toutes deux témoins à charge de l’Histoire. Le roman suit Juliette de l’âge de treize ans à environ trente ans. Juliette commence le récit de sa vie par son éducation au couvent de Panthemont où la supérieure, Madame Delbène, lui inculque les premiers principes de la luxure et de l’immoralité. La publication de ces deux ouvrages licencieux a valu au Marquis de Sade d’être arrêté sur ordre de Napoléon et d’être incarcéré sans procès à l’asile de Charenton jusqu’à la fin de ses jours.

Marquis de Sade - 8 — Raisonnable ou non, tout s’en mêle...

Mais revenons à nos moutons… ou plutôt au pastiche du célèbre poème de Piron : « l’Ode à Priape » !

Bourguignon de naissance, Alexis Piron composa cette ode aux alentours de 1710, vers l’âge de vingt ans. L’immoralité fameuse de ce texte malgré un vrai talent, le poursuivit toute sa vie durant ; elle lui fut à la fois un titre d’une gloire quelque peu sulfureuse, en même temps qu’un boulet qu’il dut traîner et qui finit par lui fermer les portes de l’Académie française en 1753.

Comprenant le personnage et le texte de celui-ci, il n’en fallut pas plus à Sade pour inclure dans son œuvre l’illustre poème. C’est donc dans « l’Histoire de Juliette » sous forme de pastiche que ressurgit Piron quelque vingt-cinq ans après sa mort, remettant ainsi le dizain au goût du jour.

Dans le texte original de Piron, cela donne ça…

[…]

Quoique plus gueux qu’un rat d’église,
Pourvu que mes couillons soient chauds.
Et que le poil de mon cul frise,
Je me fous du reste en repos.
Grands de terre l’on se trompe,
Si l’on croit que de votre pompe,
Jamais je puisse être jaloux :
Faites grand bruit, vivez au large ;
Quand j’enconne et que je décharge,
Ai-je moins de plaisirs que vous ?

Redouble donc tes infortunes,
Sort, foutu sort, plein de rigueur ;
Ce n’est qu’à des âmes communes
Que tu pourrais foutre malheur ;
Mais la mienne que rien n’alarme,
Plus ferme que le vit d’un carme,
Rit des maux présents et passés.
Qu’on me méprise et me déteste,
Que m’importe ? mon vit me reste ;
Je bande, je fous… c’est assez.

Le pastiche étant plus court que l’original, vous n’aurez donc pas, cette semaine, de point de comparaison. Cependant, dans mon immense clémence à vouloir combler ce manque que je ressens chez vous, je me suis décidé à vous faire découvrir un autre petit poème, récité par le cardinal de Bernis juste avant son ode… cette fois, le poème n’est pas de lui mais de Jacques Vallée, seigneur Des Barreaux. Le fameux sonnet cité (qui, par parenthèse, est une des plus mauvaises pièces de vers qu’il soit possible de lire) fut, dit-on, écrit pendant une maladie ; il est tellement mauvais qu’il le désavoua… paraphrasé de cette manière, Sade espère sans doute le rendre un peu plus supportable.

[…]

Contente, en m’écrasant, ton désir monstrueux ;
Sans craindre que des pleurs s’écoulent de mes yeux,
Tonne donc ! je m’en fous ; rends-moi guerre pour guerre :

Je nargue, en périssant, ta personne et ta loi.
En tel lieu de mon cœur que frappe ton tonnerre,
Il ne le trouvera que plein d’horreur pour toi.

À la fin de ce poème et de l’ode de l’histrion Bernis, les applaudissements fusèrent. Juliette ajoutant que « cette ode fut trouvée bien plus forte que celle de Piron [et] unanimement accusé de poltronnerie pour avoir niché là les Dieux de la fable, quand il n’aurait dû ridiculiser que ceux du christianisme. »

Dans le roman du Marquis, l’histoire est agrémentée de jolies images censées illustrer les propos de Juliette. Cette semaine, afin d’attiser votre œil lubrique, vous aurez le droit de découvrir — ou redécouvrir — une des gravures attribuées à Claude Bornet présente dans la version de « l’Histoire de Juliette » datant de 1797 mais colorisées en 1870 ; la voici !

Marquis de Sade - 8 — Raisonnable ou non, tout s’en mêle...

Comme je vous sais en vacances, loin des tourments habituels, et vous sentant la plume facile, je voudrais que vous fassiez — ou non — un petit exercice (une sorte de devoir de vacances en quelque sorte). L’exercice, vous l’avez deviné est d’écrire un dizain sur le thème de Juliette ou, si l’inspiration vous manque, un épigramme sur Sade en général. Une fois votre œuvre créée, ne me l’envoyez pas, postez-la directement sur la page Facebook du Carnet du Marquis de Sade (la page n’est accessible qu’aux personnes inscrites sur Facebook et ayant plus de 18 ans). Le meilleur dizain ou épigramme sera repris dans un article du blog.

Le mot de la fin à Piron… qui nous sert ici sa propre épitaphe.

Ci-gît Piron
qui ne fut rien,
Pas même académicien.

Détails sur le produit :
Nom : Histoire de Juliette ou les prospérités du vice.
ISBN-13: 978-1502722430

« Histoire de Juliette ou les prospérités du vice » du Marquis de Sade est disponible à l’achat sur l’échoppe du site. Pour vous procurer le ou les ouvrages vous intéressant, veuillez vous rendre dans l’échoppe en cliquant sur le titre en question. Si vous ne trouvez pas l’œuvre voulue, cela veut simplement dire que notre partenaire Amazon ne l’a pas, ou plus, en stock ; auquel cas, nous vous conseillons de revenir ultérieurement dans l’échoppe pour vérifier si elle a été achalandée.

Sources : Photos – Anonyme & Claude Bornet

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