Sade. Marquis de l’ombre, prince des Lumières

A partir du 26 septembre jusqu’au 18 janvier 2015 débute, à l’Institut des Lettres et Manuscrits de Paris, une extraordinaire et exceptionnelle exposition. Ayant la volonté de traiter d’un sujet délicat et risqué, sans tomber dans le piège de la grivoiserie, « Sade, Marquis de l’ombre, prince des Lumières — L’éventail des libertinages du XVIe au XXe siècle » est de fait une exposition particulière.

Bien avant de devenir un mouvement d’émancipation des moeurs, le libertinage est un mouvement de libération des esprits terriblement subversif puisqu’il remet en question l’existence de Dieu, la légitimité des rois de droit divin et tous les dogmes de la religion, de la morale et du pouvoir absolu. L’exposition déploie d’emblée « L’éventail des libertinages », conduisant le visiteur du « libertinage d’esprit au libertinage des mœurs » à travers un ensemble de textes subversifs parmi lesquels le Decameron de Boccace, les Pensées de Pascal, le Dom Juan de Molière, les Contes et nouvelles de La Fontaine, Les Lettres persanes de Montesquieu, La Nouvelle Héloïse de J.-J. Rousseau… et le rouleau autographe des « 120 journées de Sodome ou l’École du libertinage » du Marquis de Sade.

Plus de 120 pièces exceptionnelles, lettres et manuscrits autographes, éditions originales et livres illustrés rares et précieux, dessins, photographies… jalonnent ainsi l’exposition. Plusieurs lettres de Sade, à sa femme, à sa belle-mère, à son avocat, à une actrice permettront également de mieux cerner ce personnage si énigmatique et tant controversé.

Sade fut doublement un homme de lettres : formidable romancier, formidable épistolier, mais aussi et surtout victime de ces lettres très particulières qu’étaient les lettres de cachet souvent commanditées auprès des monarques ou de leurs ministres par les familles de ceux qui voulaient soustraire au monde leurs progénitures devenues gênantes. Plus encore que le Marquis de l’ombre, plus encore que ses frasques et ses fantasmes de débauché, c’est le prince des Lumières qui n’a jamais cessé de gêner à la fois sa famille qui le persécuta continuellement, sa caste sociale, et les grands de son temps, au point que tous firent de ce trublion une sorte de masque de fer de la littérature qui passa plus de la moitié de sa vie adulte en prison, avant d’y mourir.

En dehors du fait qu’il a été condamné à la réclusion à perpétuité en 1768, puis deux fois à la peine capitale en 1772 et en 1794, Sade a passé près de vingt-huit ans en prison, entre 1763 et 1814, entre l’âge de 23 ans et celui de sa mort à 74 ans, et ceci sous trois régimes différents : la Monarchie, la République et l’Empire.

Pendant les soixante-quatorze ans et six mois de sa vie comme depuis les deux siècles qui nous séparent de sa mort, il peut sembler aujourd’hui paradoxal qu’on ait tant diabolisé le Marquis de Sade, et qu’on ait si longtemps mélangé l’homme et l’œuvre, jusqu’au point de confondre l’homme et le romancier avec les personnages criminels de ses fictions.

Certes il fut un libertin qui se livra à des pratiques sexuelles licencieuses et dissolues, mais celui qui donne aujourd’hui sa définition au mot « Sadisme », « recherche de plaisir dans la souffrance physique ou morale volontairement infligée à autrui », n’aurait été qu’un débauché de plus parmi les grands aristocrates de son temps, s’il n’avait pas été avant tout l’oeil d’une sorte de conscience qui réussit à exprimer bien plus que le mal de vivre, le « mal du siècle » défini par Musset au XIXe siècle.

Marquis de Sade - Sade. Marquis de l'ombre, prince des Lumières

Alors que l’on célèbre cette année le bicentenaire de la mort du Marquis de Sade (1740-1814) — nous dit Gérard Lhéritier, Président du Musée des Lettres et Manuscrits et d’Aristophil — l’Institut des Lettres et Manuscrits expose pour la première fois en France l’une des oeuvres les plus décriées de la littérature française : le rouleau autographe des « 120 journées de Sodome ou l’École du libertinage ». Écrit en 1785 par le Marquis de Sade sur un rouleau de papier mince, alors qu’il était emprisonné à la Bastille, ce manuscrit lui survécut et fut retrouvé lors de la prise de la forteresse. Son sauvetage et son histoire sont dignes d’un roman-feuilleton, animé par 30 ans d’exil et de querelles juridiques. Après en avoir fait l’acquisition au printemps dernier, le groupe Aristophil dont je suis le président, a décidé de révéler au public dans le cadre d’une exposition consacrée au Divin Marquis et aux différentes formes de libertinages du XVIe au XXe siècle.

Donatien de Sade était « un esprit libre dans un corps enfermé ». L’enfermement (Sade passa près de vingt-huit ans de sa vie en prison) fut en effet le moteur de son écriture et c’est en fait la prison qui a fait de lui un écrivain. Tous les romans de Sade sont donc les œuvres d’un homme emprisonné, et « Les 120 journées de Sodome » n’échappent pas à la règle. L’obsession des geôliers de Sade et de leurs commanditaires qui maintenaient le gentilhomme en prison, était de mettre la main sur ses manuscrits afin de tuer la subversion à la racine. C’est la raison pour laquelle craignant que son texte ne soit saisi, l’écrivain décida de le transférer sur un support plus facile à dérober aux fouilles de ses gardiens.

Chaque soir, pendant trente-cinq jours, entre 19h et 22h, entre le 22 octobre et le 28 novembre 1785, il recopia ses brouillons sur 35 lés de papier de 11 centimètres de large, certainement fournis par son épouse. Il assembla ces feuillets en les collant bout à bout jusqu’au point d’assembler un rouleau de 12 mètres de long, et il continua son récit en recouvrant le verso du manuscrit d’une écriture fine et difficilement lisible, sans aucune rature. Le rouleau, à la manière des codex de Léonard de Vinci, fut dissimulé, protégé par un étui de cuir, glissé entre deux pierres de la cellule de l’écrivain. Lors de la prise de la Bastille en 1789, le manuscrit fut sauvé sans que son auteur le sache. Ce dernier pleura selon sa propre expression « des larmes de sang », croyant que le rouleau manuscrit contenant son chef-d’œuvre, avait à tout jamais disparu.

Le rouleau de Sade, véritable trésor national, est donc aujourd’hui revenu en France, non loin de l’endroit où il avait été écrit, il y a un peu plus de deux siècles, bouclant ainsi un cycle fascinant de l’histoire d’un homme singulier et d’un texte d’exception, l’un et l’autre uniques dans l’histoire de la littérature. Sade a justifié cette double spécificité en confiant un jour : « Ce n’est pas ma façon de penser qui a fait mon malheur, c’est celle des autres… ».

Marquis de Sade - Sade. Marquis de l'ombre, prince des Lumières

Pour accompagner l’exposition « Sade, Marquis de l’ombre, prince des Lumières — L’éventail des libertinages du XVIe au XXe siècle », l’Institut des Lettres et Manuscrits propose un catalogue de 176 pages. Ce catalogue est réalisé par Gonzague Saint Bris, auteur d’une biographie sur Sade ainsi que par Marie-Claire Doumerg-Greillier, historienne de l’art et spécialiste de la littérature libertine du XVIIIe siècle.

Détails sur le produit :

Œuvre : Sade, Marquis de l’ombre, prince des Lumières
Date de parution : 24 septembre 2014
Maison d’édition : Flammarion
Broché : 176 pages

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Sources : Le Musée des Lettres et Manuscrits

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