10 – Tout le bonheur des hommes est dans l’imagination…

Cet été, j’ai essayé de vous faire partager ce qu’a pu voir notre cher Marquis sur le chemin de l’Italie quand il entreprit son « Voyage d’Italie ». J’espère que ce voyage estival sur les traces italiennes de notre illustre Marquis aura égayé le chemin vers votre villégiature, voire même, vous aura donné envie de partir en « pélerinage » directement sur place.

Second voyage dans ce pays, pendant les années 1775 et 1776, celui-ci dura plus longtemps que le premier : près d’une année entière. Contraint de se sauver en hâte sous la menace d’une arrestation, Donatien entend, cette fois mettre cet exil à profit pour réaliser le grand ouvrage sur l’Italie auquel, selon toute vraisemblance, il songe déjà depuis son premier séjour au-delà des Alpes.

Rappelons brièvement les faits qui ont précédé sa fuite.

En décembre 1774, au cours d’un séjour à Lyon et a Vienne, le Marquis et sa femme engagent pour La Coste une cuisinière appelée Nanon, « maquerelle en titre », qui leur fournit cinq très jeunes filles ainsi qu’un petit secrétaire. De son propre aveu, Donatien utilise les nouvelles recrues à des tâches qui n’ont rien de domestiques et mène au château un sabbat infernal auquel participe Gothon, la chambrière du Marquis, et peut-être la Marquise elle-même.

Les parents des victimes finissent par porter plainte, tandis qu’une procédure criminelle s’engage à Lyon. L’affaire suit son cours pendant les six premiers mois de 1775. En juillet, Donatien prend peur : l’étau se resserre autour de lui et il ne se sent en sécurité nulle part, pas même à La Coste, où il se croyait portant invulnérable. Il décide alors de partir pour l’Italie en compagnie de son fidèle Carteron. Le plus commode, le plus rapide aussi, serait de prendre la mer mais il faudrait passer par Marseille et notre homme, comme on sait, y a laissé de fâcheux souvenirs. Il opte donc pour la montagne, les bagages à dos de mulet, l’ascension périlleuse du mont Genève, Saint-Gervais et ses abîmes, le Mont-Cenis et ses précipices.

Voilà pour le faits.

Afin de fermer cette parenthèse au pays des pâtes et des pizzas, vous trouverez ci-dessous l’ensemble des 9 grandes étapes de cet été.

Sade a longtemps travaillé au Voyage d’Italie mais ne l’a en définitive jamais publié. Il y décrit le pays et ses oeuvres d’art comme ferait un guide, ce qui n’est pas la partie la plus intéressante du livre, d’autant que Maurice Lever, dans son édition de 1995, montre comment l’écrivain pille d’autres ouvrages pour se documenter, tout en insultant allégrement leurs auteurs quand par hasard ils commettent une imprécision (les multiples erreurs sadiennes sont pour leur part relevées en notes avec délicatesse). Ce dernier rappelle que Sade destinait son texte à la publication, sans doute avec les illustrations du peintre Jean-Baptiste Tierce pour la partie napolitaine.

Le titre programmé de l’ouvrage, « Voyage d’Italie, ou, Dissertations critiques, historiques et philosophiques sur les villes de Florence, Rome, Naples, Lorette et les routes adjacentes à ces quatre villes. », trahit le projet encyclopédique que l’auteur s’était fixé. Sa correspondance avec le docteur Meny et avec Ange Goudar éclaire certains aspects que le manuscrit du voyage cachent ou dissimulent. Une partie du séjour à Rome sera reprise dans « l’Histoire de Juliette » et le fantasme de la rencontre avec le Pape – Sade prétend lui avoir fait lire le « Système de la nature » de d’Holbach – sera transposé sur le mode obscène par Juliette.

Avant le grand enfermement de 1777, il s’agit de la seule œuvre importante du « premier » Sade : on y découvre un homme de goût, même si ses notations esthétiques sont d’une grande banalité, un observateur attentif de toutes les réalités italiennes. Il juge sévèrement la dépravation des mœurs, la corruption de l’Italie moderne, la décadence des arts (théâtre et monstrueux castrats qui choquent la nature). Pour Sade, la vérité ne peut être que dans la nature. Son esthétique de la vérité va jusqu’à justifier le crime, la dissection in vivo pour faire progresser l’art ou la science. Sous le masque du voyageur philosophe et de l’aristocrate transparaissent le futur écrivain et son idéologie.

Le 27 novembre 2000, Maurice Lever, lors d’une conférence, analyse l’œuvre de l’auteur ; je vous laisse l’écouter.

Le « Voyage d’Italie » :
« Maurice Lever – Conférence du 27 novembre 2000 »
Durée : 01:16:35

Marquis de Sade - 10 – Tout le bonheur des hommes est dans l'imagination...

Détails sur le produit :

Œuvre : Voyage d’Italie
Auteur : Marquis de Sade
ISDN : 978-2213029887
Date de parution : Octobre 1995
Éditeur : Fayard

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Sources : Analyse du « Voyage d’Italie » par Maurice Lever.

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