Phantasmagoria n°III

Pour cette fin d’année, je vous propose — encore une fois — de rêver éveillé, de vous échappez du réel, d’aller titiller votre inconscient et pourquoi pas de satisfaire un désir longtemps caché.

Ressortez — cette fois-ci — vos disques de Haydn, Paganini, Albinoni ou, si vous préférez, ceux de Rameau, Quantz et Naudot. Écoutez-les, allumez les bougies, fermez les rideaux et… attardez-vous quelque temps sur le dessin suivant ; réalisé par Jean-Jacques Lequeul, architecte contemporain du Marquis de Sade, connu pour être lui aussi un libertin éclairé.

La notoriété de cette œuvre tient autant de sa beauté plastique que de la force de son titre, comme si, avec près de deux siècles d’avance, l’auteur avait mis en application le slogan de Paris Match : « Le poids des mots, le choc des photos ».

Les présentations étant faites, vous pouvez maintenant jeter un coup d’oeil à cet extraordinaire dessin !

Marquis de Sade - Phantasmagoria n°III

Attention tout de même de ne pas vous faire avoir par la cheville miraculeuse de la Sainte clique de Foutin, René et Guerlichon ; cette joyeuse bande n’étant jamais loin et toujours prête à jeter sur le spectateur hypnotisé le sortilège de satyriasis ou celui plus douloureux de priapisme !

Comme souvent chez Lequeu, le visage de la jeune religieuse n’exprime quasiment aucune émotion ; le regard semble absent, comme perdu dans le vide, frôlant le nôtre de quelques centimètres. Visage au demeurant d’une stupéfiante perfection, semblable à un masque de carnaval vénitien. Aucune ride, aucune altération de la peau. De l’arc des sourcils à la fossette du menton, tout est sublimé. Et puis, il y a ce geste pour dévoiler sa gorge ronde, généreuse et le téton coquin…

Le titre demande aussi quelques éclaircissements. Il ne prend tout son sens que replacé dans son contexte historique : 1794, c’est la Terreur instaurée par le Comité de Salut Public issu de la Convention Montagnarde, avec par exemple ses tentatives d’imposer le calendrier républicain et de contrôler le clergé qui doit prêter serment d’allégeance à la République. « Et nous aussi nous serons mères, car… » : le titre est donc la suite d’une phrase déjà commencée. « nous aussi », comme qui ? Comme les autres femmes, les laïques, celles du dehors. Notez que Lequeu n’écrit pas nous serons femmes, mais nous serons mères, en contrepoint du sein nourricier dévoilé par la novice. « car.. » : le point de suspension laisse la phrase inachevée. Car avec la République, nous allons pouvoir disposer librement de notre corps ?

Pour finir, sachez que cette œuvre se retrouve régulièrement en illustration d’article ou de couverture d’ouvrage sur le Marquis de Sade.

Bonne fin d’année à tous et prions pour que les monts et merveilles de cette charmante religieuse marque à jamais vos mémoires !

Sources : Le dessin sur Gallica, le site de la BNF

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