Du portrait du Marquis de Sade, nous n’avons que deux descriptions écrites.

La première, datant de son mariage : « d’une élégance extrême, une jolie voix, des talents et principalement beaucoup de philosophie dans l’esprit… Un peu de mollesse dans la taille et dans la tournure, par l’habitude, sans doute qu’il a de prendre si souvent des airs féminins. De taille d’environ cinq pieds et trois pouces (1,68 m) portant les cheveux châtain clair en bourse, ayant le teint blanc et un peu piqué de petite vérole… Les yeux sont lavande, le visage rempli, bouche petite, nez moyen. » Le problème, c’est que sur le portrait peint par Van Loo, ce nez est assez conséquent !

Et la seconde qui, elle, date de l’époque de Charenton, à la fin de sa vie : « Il avait une assez belle tête, un peu longue, le nez aquilin, les narines ouvertes, la bouche étroite et la lèvre inférieure saillante. Les coins de la bouche retombaient avec un sourire dédaigneux. Ses yeux, petits, mais brillants, étaient dissimulés sous une forte arcade qu’ombrageaient d’épais sourcils ; ses paupières plissées recouvraient le coin de l’oeil, comme ceux d’un chat ; son front découvert s’élevait en ovale… Sa taille était droite et élevée, son port noble était celui d’un homme de la haute société. »

Enterré à Charenton en 1814, le corps fut exhumé quelques années plus tard, lors du déplacement du cimetière. À cette occasion, le jeune Docteur LJ Ramon, qui l’avait accompagné dans ses dernières heures, se fit remettre le crâne du Marquis dans le but de l’étudier. Le docteur Spurzheim, disciple du docteur Gall, père de la phrénologie, emprunta le crâne et en fit un moulage.

La « science des crânes » inventée par Franz Joseph Gall au début du 19e siècle a depuis fait long feu, mais à l’époque l’étude des crânes fascinait. Le crâne du Marquis de Sade était donc un « met de choix » pour le docteur Spurzheim qui aura les mots suivants : « Le marquis de Sade est auteur de Justine. M. Dumoutier possède son crâne sur lequel on remarque un développement extraordinaire de la destructivité, de l’amour physique et des facultés réflectives. Singulière combinaison qui devait enfanter un livre monstrueux. Phrénologie de Gall et Spurzheim ».

Le crâne voyagea par la suite en Angleterre, en Amérique et en Allemagne pour illustrer des conférences sur ce thème. À la mort du docteur, le crâne avait disparu.

Jacques Chessex, dans son dernier livre, décompte sept apparitions épisodiques du célèbre crâne ; celle qui nous intéresse est la sixième. Il dira de celle-ci, que : « Longtemps on a pu croire que le vrai crâne de M. de Sade était caché dans les réserves du Musée de l’Homme, à Paris, mais ce n’était qu’un des moulages exécutés en 1818 aux exigences de Spurzheim. À preuve une inscription, sur le côté gauche, en lettres rouges : “Marquis de Sade. Coll. Dumoutier n°529.” Or Dumoutier, nous le savons d’information exacte, était le préparateur des cours de Spurzheim. […] »

Il continuera plus loin en disant que : « En 1986, le comte Thibault de Sade, jeune descendant du Marquis, découvre la relique au laboratoire anthropologique du Musée. Deux années passent. En novembre 1988, le comte Thibault fait faire quelques nouveaux moulages du crâne de son ancêtre, et dépose lui-même l’un d’eux sur le bureau de l’historien Maurice Lever, passionné de M. de Sade, où le crâne jette un tel désordre parmi les papiers entassés et le dossiers du Marquis qu’il faut l’exiler sur le rayon d’une bibliothèque un peu distante. »

Et finissant pour dire que : « la femme de ménage du maître de maison n’osait l’épousseter, ni même le regarder à quelques mètres, le Marquis lui ayant jeté de violentes décharges à sa première approche, « comme si on me fouettait la peau, ou me transperçait avec des épingles ». Et rien ni personne ne pouvait plus la forcer à l’affronter. »

À partir de ce moulage, il serait amusant, voire intéressant, de reconstituer le vrai visage du marquis !

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Sources : L’image et les propos du docteur Spurzheim sur le blog de bibliomab

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