Dispersion de la Collection Bemberg !

Cette semaine, l’article du « Carnet du Marquis de Sade » arrive avec une journée d’avance ; on dira pour expliquer ce décalage que c’est l’exception confirmant la règle. L’origine est cependant plus terre à terre, car calée sur le calendrier des ventes Artcurial. C’est effectivement aujourd’hui que se disperse la collection Georges Bemberg : soit quelque 300 lots allant de l’objet d’art à la gravure en passant par meubles et tableaux ; tout cela sous les yeux d’Isabelle Bresset, la commissaire-priseur de cette vente. Au milieu de tout ça, le lot 407 est pour nous intéressant, car il s’agit de l’édition originale de « La Nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu » (tomes I-IV), suivi de « l’Histoire de Juliette, sa sœur » (tomes V-X) du Marquis de Sade.

Troisième version du roman de Justine. La première édition de cette version se compose de 10 volumes in-18, en basane fauve racinée, aux dos lisses ornés, aux pièces de titre et de tomaison de maroquin rouge, grecque et filet en encadrement sur les plats, roulette sur les coupes, coiffes guillochées, tranches mouchetées rouges et reliure d’époque. Les cent gravures obscènes illustrant cet ouvrage, font de cette œuvre la plus vaste entreprise pornographique réalisée à l’époque, voire même jusqu’à nos jours. Elle fut publiée à Paris, sans le nom de l’auteur ni celui de l’éditeur, sous la fausse adresse et fausse date : « En Hollande, 1797 » ; la première partie durant l’été 1799 et la seconde en début d’année 1801.

Cette édition, la première des trois recensées par Pascal Ract-Madoux, est illustrée d’un frontispice et de 100 figures très libres attribuées à Claude Bornet. L’équipe d’Arcurial précise que la figure de la page 276 du tome VI semble provenir d’un tirage tardif — daté aux alentours de 1835 — et ajoute que deux figures du tome VII proviennent d’un autre exemplaire de la même édition. Il s’agit donc d’un ensemble rare, malgré l’absence des faux-titres des tomes 2 à 4, des reliures frottées, d’un mors entièrement fendu et de deux coiffes rognées.

« J’ai donné — ou légué […] tout ce que je préfère, et j’ai gardé […] tout ce que j’aime », disait Georges Bemberg. Un an après sa mort, les objets qu’il aimait sont dispersés et vendus aux enchères, à Paris, chez Artcurial, ce mercredi à 14h00. Qualifié « d’érudit » par certains, « de collectionneur comme on n’en fait plus » par d’autres, il savait choisir au coup de cœur, faisant confiance à son œil, l’histoire de l’objet étant pour lui secondaire. C’était un homme de goût, un collectionneur curieux de tout : le « dernier représentant d’un monde disparaissant » ira jusqu’à dire une personne de son entourage.

Cerise sur le gâteau, il est inutile de se déplacer pour participer à la vente ; comme pour celles de Drouot, Artcurial propose un service d’enchères en ligne : inscrivez-vous en suivant ce lien ! Rendez-vous donc, tout à l’heure pour assister à l’envolée d’une enchère estimée entre 25 000 et 30 000 €.

Pour rappel, voici l’historique de première publication des trois versions de « Justine » :

1791 : Justine ou les Malheurs de la vertu. Premier ouvrage du marquis de Sade publié de son vivant. Seconde version de cette œuvre emblématique, sans cesse récrite, qui a accompagné Sade tout au long de sa vie. Le succès de cette version vaudra au Marquis de Sade, en 1801 sous le Consulat, une arrestation sans inculpation et sans jugement, puis un enfermement à vie à l’asile de Charenton. Publié à Paris, sans le nom de l’auteur, Chez la Veuve Girouard avec la fausse adresse « En Hollande, Chez les Libraires Associés ». Manuscrit daté de 1788. Pour la petite histoire, le prénom de l’héroïne est celui qui avait été donné à Catherine Trillet, domestique au château de La Coste en 1776.

1799 : La Nouvelle Justine ou les Malheurs de la vertu. Troisième version du roman de Justine. La première édition de cette version se compose de 10 volumes, illustrés de cent gravures obscènes, ce qui en fait la plus vaste entreprise pornographique réalisée à l’époque. Publié à Paris, sans le nom de l’auteur ni celui de l’éditeur, sous la fausse adresse et fausse date : « En Hollande, 1797 ».

1801 : L’Histoire de Juliette, ou les Prospérités du vice. Second volet de « Justine ou les Malheurs de la vertu ». Publié à Paris, sans le nom de l’auteur, sous la fausse adresse « En Hollande ».

1930 : Les Infortunes de la vertu. Edité pour la première fois d’après le manuscrit original daté de 1787 et mis au jour en 1909 par Guillaume Apollinaire. Avec une introduction par Maurice Heine. Publié à Paris, par les éditions Fourcade.

Sources : Lot 407 – Vente Artcurial / Photo – Inconnu

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