La loi c’est moi !

Une première du genre : un moyen de paiement — Paypal pour ne pas les citer — décide de censurer tous textes non conformes à sa politique commerciale. Cela reviendrait à dire que votre carte visa déciderait pour vous de ce que vous pouvez acheter ou non : un comble !… Au revoir les belles aventures de nos héroïnes préférées ; bien sûr, vous me direz que les œuvres du Marquis sont en libre accès un peu partout sur la Toile et vous aurez raison ; toutefois cette décision, liberticide au dernier stade, doit-être montrée du doigt et qualifiée d’inacceptable par les gens sachant que lire n’est pas seulement comprendre la suite de caractère que l’auteur a jeté sur le papier. Savoir lire c’est aussi passer au-dessus du premier degré de compréhension de l’histoire racontée et déchiffrer ce que veut vraiment nous conter celle-ci !… Ainsi, les romans de Sade ne sont pas seulement une suite d’actes cruels et immoraux, lire Sade s’est aussi comprendre la philosophie de l’écrivain malade du monde qui l’entourait.

Pour bien comprendre ce que Paypal a voulu faire, voici une reprise partielle d’un article de PCINPACT.COM datant du 03 mars 2012 :

« Généralement, lorsque vous utilisez un service, vous devez bien sûr respecter la loi de votre pays et/ou celle du pays hébergeant le site. Certaines sociétés rajoutent parfois des règles et interdits supplémentaires, pour des raisons qui leur sont propres. Certaines politiques maisons, notamment de groupes devenus proches de l’indispensable pour des millions d’utilisateurs, laissent néanmoins songeurs. PayPal s’est notamment distingué ces derniers jours d’une bien drôle de façon. […] La nouvelle diffusée ces deux dernières semaines a de quoi surprendre : depuis le 18 février, PayPal a débuté une véritable campagne visant les distributeurs et éditeurs de livres indépendants, proposant des œuvres érotiques abordant des thèmes particuliers et difficiles. S’ils ne suppriment pas les livres incriminés, le service de payement désactive leur compte, tout simplement. All Romance Ebooks, Smashwords et Bookstrand ont notamment été contactés par PayPal en ce sens. BookStrand a même envoyé le message suivant à l’ensemble de ses partenaires (les autres sites en ont fait de même) :

“Nous avons été informés par PayPal, sans préavis, et par notre société de carte de crédit, que nous sommes tenus de retirer tous les titres de BookStrand.com proposant du contenu abordant l’inceste, du pseudo inceste, le viol, et de la bestialité, ceci immédiatement. Nous vous demandons de vous connecter immédiatement sur votre compte et de retirer tous les titres qui contiennent ce type de contenu. Si vous avez publié des titres offrant un tel contenu et si vous ne les retirez pas, comme nous vous le demandons, nous désactiverons votre compte d’éditeur, ce qui supprimera tous vos titres de la vente. Nous vous encourageons vivement à vous connecter à votre compte et de retirer ces titres dès que possible afin d’éviter que votre compte ne soit désactivé aujourd’hui. Si votre compte est désactivé, il peut ou peut ne pas être rétabli à l’avenir. Après la désactivation, les demandes de réintégration nécessiteront une vérification de votre catalogue, ce qui pourrait prendre plusieurs semaines ou plus longtemps encore.”

La situation est ici dramatique à plus d’un titre. Non seulement BookStrand s’est plié aux dictats financiers d’une façon pour le moins singulière, mais surtout, n’oublions pas que nous parlons ici de littérature et non d’actes réels. […] Selon The Self Publishing Revolution, le but n’est même plus de viser des actes illégaux dans des fictions, ce qui est déjà incroyable en soi d’autant plus quand ils n’en font pas l’apologie, mais cela va même jusqu’à vouloir interdire ce qui paraît “moralement condamnable”. Avec toute la subjectivité qui l’accompagne, et tous les abus qui peuvent en découler.

Le débat est alors lancé outre-Atlantique, pays où la liberté d’expression va jusqu’à permettre à des groupes néo-nazis et du Ku Klux Klan d’exister. Jusqu’où peut mener une telle politique de répression de la “bonne morale” se demande ainsi la presse américaine ? Tout en sachant que cette censure de Paypal est loin d’être un cas isolé. […] Le pouvoir de ces sociétés a donc pris une ampleur sans précédent. Aujourd’hui, les services de PayPal, Amazon et Apple (pour ne nommer que ces trois sociétés) sont utilisés par des centaines de millions de personnes à travers le monde. La liberté d’expression et d’entreprendre sont en jeu. Sans compter que des milliards d’euros transitent par ces services chaque jour… »

Marquis de Sade — La loi c'est moi !

« Comment ?… Quoi ?… C’est un scandale, je veux pouvoir acheter du Sade en toute liberté !… » Me diriez-vous.

Rassurez-vous, dans un billet publié le 13 mars dernier sur le blog officiel, Anuj Nayar — directeur de la communication de PayPal — précise que « l’entreprise a décidé de revenir sur sa nouvelle politique en se concentrant uniquement sur les e-books qui contiennent des images potentiellement illégales, pas sur les e-books qui se limitent à du texte. […] Les ouvrages érotiques seront examinés au cas par cas […] » avec la possibilité pour l’éditeur de s’opposer à la demande de censure en présentant des contrearguments rajoutant plus loin qu’aucun ne verrait son compte bloqué pour le moment.

L’EFF — ONG défendant la liberté d’expression sur Internet — c’est félicité de ce revirement : « Internet ne peut pas être un véritable espace de libre expression si des entreprises privées qui fournissent accès et moyens de paiement s’érigent en polices morales.»

Le plus drôle dans cette histoire, c’est que même la Bible aurait pu faire parti de cette mesure étant donné que celle-ci contient des descriptions de viols et d’incestes.

Sources : PDF — PCINPACT.com / Photo : La Censure — Anonyme

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