Das wachsfigurenkabinett

Prenant une nouvelle fois la poudre d’escampette, le comte de Mazan — Sade aime varier les identités — quitte la France pour l’Italie le 17 juillet 1775. Il restera à Florence jusqu’au 21 octobre. Durant plus de deux mois le Marquis arpentera la ville de long en large, de boudoirs en maisons closes, ne sachant que faire il finira par aller visiter la galerie des offices où l’on pouvait voir les œuvres de l’abbé Zumbo Gaetano. Cet homme d’église, artiste de génie, autodidacte en matière de sculpture, n’avait pas son pareil pour sculpter l’anatomie humaine avec une cire de sa composition. Il semblerait que Sade est apprécié cette visite, car dans son « Voyage d’Italie », en ouvrant à la bonne page, nous pouvons lire les mots suivants :

« Dans une [des œuvres de l’auteur] on voit un sépulcre rempli d’une infinité de cadavres, dans chacun desquels on peut observer les différentes gradations de la dissolution, depuis le cadavre du jour jusqu’à celui que les vers ont totalement dévoré. Cette idée bizarre est l’ouvrage d’un Sicilien nommé Zummo. Tout est exécuté en cire et colorié au naturel. L’impression est si forte que les sens paraissent s’avertir mutuellement. On porte naturellement la main au nez sans s’en apercevoir en considérant cet horrible détail, qu’il est difficile d’examiner sans être rappelé aux sinistres idées de la destruction et par conséquent à celle, plus consolante, du Créateur. Près de cette [œuvre, il] en est une autre du même genre, représentant un sépulcre de presbytère, où les mêmes gradations de dissolution s’observent à peu près. On y remarque surtout un malheureux, nu, apportant un cadavre qu’il jette avec les autres, et qui, suffoqué lui-même par l’odeur et le spectacle, tombe à la renverse et meurt comme les autres. Ce groupe est d’une vérité effrayante ».

Marquis de Sade - Das wachsfigurenkabinett

Une vérité effrayante… au point que 25 ans plus tard, Sade se souviendra encore de l’éprouvante visite. Cela, c’est Juliette qui nous l’apprend dans son « Histoire » ; elle et sa bande sont aussi de passage à Florence. Entre « pâté aux couilles » et « boudin de pucelles », l’agréable jeune fille nous décrit la ville et la fameuse galerie reprenant pour cela la description, quasi mot-à-mot, faite par le Marquis dans le « Voyage d’Italie » :

« Nous vîmes dans la pièce suivante, nommée la chambre des idoles, une infinité de chefs-d’œuvre du Titien, de Paul Véronèse et du Guide. Une idée bizarre est exécutée dans cette salle. On y voit un sépulcre rempli de cadavres, sur lesquels peuvent s’observer tous les différents degrés de la dissolution, depuis l’instant de la mort, jusqu’à la destruction totale de l’individu. Cette sombre exécution est de cire, colorée si naturellement, que la nature ne saurait être ni plus expressive, ni plus vraie. L’impression est si forte, en considérant ce chef-d’œuvre, que les sens paraissent s’avertir mutuellement : on porte, sans le vouloir, la main au nez. Ma cruelle imagination s’amusa de ce spectacle. A combien d’êtres ma méchanceté a-t-elle fait éprouver ces affreuses gradations !… Poursuivons : la nature me porta sans doute à ces crimes, puisqu’elle me délecte encore, seulement à leur souvenir. Non loin de là, est un autre sépulcre de pestiférés, où les mêmes gradations s’observent ; on y remarque surtout un malheureux, tout nu, apportant un cadavre qu’il jette avec les autres, et qui, suffoqué lui-même par l’odeur et le spectacle, tombe à la renverse et meurt ; ce groupe est d’une effrayante vérité. »

15 ans plus tôt — d’une aussi effrayante vérité – Sade écrivait « Les Cent Vingt Journées de Sodome ». Georges Batailles dira de cette œuvre qu’elle rend malade que personne à moins d’être sourd n’en finit la lecture ! Que retenir alors ? Pourquoi de tels personnages s’obstinent-ils à réaliser de telles œuvres, si ce n’est pour nous rendre malades ou nous faire vomir ? Sûrement le plaisir de choquer… mais je vous laisse seul maître de cette réponse.

Sources : La Peste – Zumbo Gaetano

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