Ah bon ?

Voilà l’histoire de quelqu’un ne sachant pas grand-chose de ce qui se passe autour de lui ; pendant qu’à gauche l’on fouette et corrige, à droite l’on plante et taille (à moins que ce ne soit l’inverse). On égorgerait un cochon que ce pauvre bougre croirait mâtines sonner !

En juin 1933, paraissait « Annales de médecine légale, de criminologie et de police scientifique : Organe officiel de la Société de Médecine légale de France et des Congrès de médecine légale de langue française ». Dans cette publication mensuelle, accès sur la diffusion des Archives d’Anthropologie criminelle, de Médecine légale et de Psychologie normale et pathologique impulsée par le Professeur Jean-Alexandre-Eugène Lacassagne, se trouvait au milieu du fatras de discussions, d’études et d’expertises diverses, un article de Maurice Heine intitulé : « Le Marquis de Sade et Rose Keller, ou l’Affaire d’Arcueil devant le Parlement de Paris (03 et 15 avril – 10 juin 1768) ». Pendant un peu moins de 60 pages, l’auteur déroule le calendrier de la procédure judiciaire avec l’interrogatoire des protagonistes. Et entre la victime, le laquais, l’accusé et les différents témoins apparaît la déposition d’un certain Pierre Marin Lambert, jardinier du Sieur de Sade à Arcueil. Ce gentil monsieur nous apprend que le jour du forfait, son patron est resté dans la remise de midi au dîné tandis qu’un nommé Langlois s’affaire en cuisine ! Pour ce bon Lambert, point de Diable en la demeure… tout le monde sait que les remises sont des lieux de recueillement et les cuisines l’endroit où se range les outils religieux !

Voyez plutôt, la chose est cocasse :

« Pierre Marin Lambert, âgé de trente huit ans, jardinier du Sr de Sade a Arcueil, y demeurant paroisse dud. lieu, témoin assigné… A dit n’être parent, allié, serviteur, ny domestique des parties fors qu’il est jardinier du Sr Marquis de Sade. Dépose que le jour de Pasques dernier étant dans la maison du Marquis de Sade il l’a vu sur les midy et demie ou une heure entrer par la porte du Jardin près le Pont, que dela il monté dans la maison, a traversé la cour et passé par les remises pour aller dans le petit jardin que depuis ce moment jusqu’a six heures du soir il n’a plus revû led. Sr de Sade, mais qu’a six heures du soir le deposant étant dans la cuisine led. Sr de Sade luy dit qu’il s’en alloit, et qu’il ne fit rien, qu’il ne luy eut, écrit. Qu’il a vu pareillement quelques moments après l’arrivée dud. Sr de Sade son laquais nommé Langlois entrer seul par la porte du Jardin ; qu’il est venu dans la cuisine d’ou il alloit et venoit dans la maison, qu’il n’a ni vu ny entendu la de femme Valentin. Qu’il a ouy dire par la femme de François Battu que led. laquais avoit été vu avec deux demoiselles a cette même heure dans le village d’Arcueil mais que le deposant ne les a ny vües ny entendu dans lad. maison, qu’au surplus le déposant est sorti de lad. maison sur les deux heures pour aller aux vêpres et au surplus de l’office d’ou il n’est revenu que sur les cinq heures du soir : qu’il croit que le domestique est parti avec son maître. Que depuis vingt et un mois qu’il est jardinier du Sr de Sade il ne s’est aperçu d’aucune chose dans la maison, a bien vu des hommes et des femmes y venir diner ou souper, mais n’a rien vu d extraordinaire. Qui est tout ce qu il a dit sçavoir. »

Marquis de Sade - Ah bon ?

Sources : Gallica – BNF / Photo des Annales – Collection André Breton

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