Un soir, au bord d’un bois…

Sur le site de la comédie de Caen, en cherchant bien derrière les rideaux, on tombera sur le dossier de production de la fable de Jean Lambert-wild, Stéphane Blanquet et Jean-Rémy Guédon. Dans celui-ci, on pourra lire les propos suivants attribués à Jean Lambert-wild :

« Il était une fois un marquis, que ses amours légendaires avaient forcé à se réfugier au plus profond d’un bois. On racontait qu’il s’accouplait avec les bêtes aussi bien qu’avec les hommes. D’autres disaient que, révolté de la sottise, de la veulerie et des mensonges de notre monde, il était devenu le chef d’une bande de brigands sanguinaires qui ne détestaient pas accompagner leur festin d’un jarret de curé. Quelques-uns prétendaient l’avoir vu hurler avec les loups. Ce qui est sûr, c’est qu’à chaque pleine lune, une complainte serpentait entre les arbres et venait enflammer les oreilles craintives qui, rassemblées autour de l’âtre, tremblaient. Le marquis chantait et huit musiciens l’accompagnaient dans un sabbat qui précipitait les âmes les unes par-dessus les autres. C’est ce qu’on disait ! Mais qui avais pris soin de s’aventurer dans le bois ? Mais qui avait pris soin d’écouter les chansons du marquis ? Ce soir, il faudra désobéir à votre maman qui vous avait dit bois. On ne sait pas ce qu’il peut arriver dans le bois sabbat que nous vous convions. »

Ce bois sabbat, cette fable, c’est Sade Songs, une création musicale où l’on peut entendre Sade en chanson !…

« Qui à la lecture des Cent vingt journées de Sodome n’a été frappé par la déraison du marquis à décrire l’horreur ? » Nous dit Jean-Rémy Guédon. Cette aspiration des bourreaux à mettre en scène leur respectabilité à travers l’object n’est pas sans faire écho aux observations d’un Jorge Semprun ou d’un Primo Lévi. Pourtant, comme les surréalistes, je rêve de réhabiliter l’homme. Je souhaite mettre en lumière la profondeur et la solitude abyssale d’un être humain amoureux fou de sa liberté d’écrire et de penser. Une personnalité à laquelle tout compositeur, ne peut rester insensible. Ici, il est question de religion, de sens, de nature. De ce festin de passions, Sade échafaude un théâtre baroque où les brutalités du monde sont peintes sans concession. A partir de ces contes pour adultes, j’ai à mon tour composé des chansons : ce format musical me semble le plus apte à traduire la théâtralité et la magnifique complexité de l’oeuvre sadienne. Je conçois ces chansons comme autant de perles d’un collier solidement reliées entre elles au moyen d’un fil sonore. Ce lien est tel un marais parfois inquiétant, parfois tranquille d’où naissent et meurent ces bulles de son. On ne fait pas un collier de Sade sans risquer quelques noeuds, certes, mais le matériau est si puissant qu’il pourrait rayonner à l’image de ce « soleil noir du siècle des lumières… Telle est la folle ambition et la démesure de Sade Songs. »

Allumez vos oreilles, je vous laisse écouter un extrait de cette composition atypique emportée par la voix d’Elise Caron : Sade Songs (2006) – Les Supplices

Marquis de Sade - Un Soir, au Bord d'un Bois...

Sources : Sade Songs – Harmonia Mundi, Le dossier de Production de la Comédie de Caen

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