Zoloé et ses deux acolytes

« Un article de Mina Merteuil pour le blog « Mon Salon Littéraire » »

Publié anonymement en 1800, « Zoloé et ses deux acolytes » est un fragment de la légende du Marquis de Sade. L’ouvrage divise encore quant à l’identité de son auteur. L’arrestation de Sade en 1801 aurait en effet été ordonnée par Bonaparte, lui reprochant de mettre en scène dans ce roman les frasques de Joséphine avant son mariage, en 1796. Vincent Berthelier, comme d’autres, semble approuver la thèse du Marquis de Sade ; cela grâce à plusieurs éléments thématiques et stylistiques, sans l’affirmer toutefois avec certitude.

Les modèles des personnages de ce roman à clés semblent quant à eux plus certains : s’y côtoient Orsec (le corse Napoléon Bonaparte), sa future épouse Zoloé (Joséphine de Beauharnais) et ses deux acolytes Lauréda (Theresa Cabarrus) et Volsange (Mme Visconti), accompagnées pour leurs débauches, notamment, de Fessinot (Jean-Lambert Tallien) et Sabar (Paul Barras). Les aventures successives y sont celles de la jeune impératrice, plutôt dissipée avant son mariage présenté comme politique lors d’un bref dialogue. Napoléon a pu vouloir se venger du libelliste qui rappelait les amours de Joséphine, même si celles-ci étaient bien connues du public.

Marquis de Sade - Zoloé et ses deux acolytes

Que fait Sade vers 1800 ? Il est en train de publier clandestinement « La Nouvelle Justine, suivie de l’histoire de Juliette, sa soeur ». Il écrit sans doute beaucoup chaque jour et court tout Paris à la recherche d’illustrateurs pour ses romans. Comme le rappelle Jean-Jacques Pauvert, son biographe et éditeur, Sade se lance dans la plus grande entreprise de pornographie clandestine jamais conçue.

Dégoûté par la Terreur, s’intéresse-t-il encore à la politique ? On peut imaginer Sade s’effrayer de l’arrivée au pouvoir d’un nouveau tyran et être assez lucide pour voir percer sous Bonaparte le retour à l’ordre moral qui lui vaudra d’être enfermé à l’asile pour les treize dernières années de sa vie. On peut aussi l’imaginer s’attaquer à cet ordre par les moyens qui sont les siens, en confrontant la morale désincarnée au désir qu’elle tente de réprimer et au corps dont elle veut faire abstraction. Il aurait bien pu écrire un livre comme « Zoloé ».

Contrairement à la légende, le roman n’est pas, semble-t-il, à l’origine de l’arrestation de Sade. La police de Fouché traquait les auteurs licencieux et Sade, à la tête de son « empire » souterrain de la pornographie, n’avait pas besoin de Zoloé pour être recherché. Il suffisait qu’un inspecteur eût vent de la parution prochaine de « Juliette », comme cela arriva bel et bien. Pauvert souligne en effet la différence qualitative entre le projet pornographique de Sade (auquel s’ajoute sa mauvaise réputation) et les écrits licencieux de l’époque, qui ne valaient le plus souvent à leur auteur qu’un rappel à l’ordre et une amende.

Quant à « Zoloé », il n’est pas mentionné une seule fois dans son dossier de police ; mieux, le Premier consul ne fut même pas averti du déroulement de l’affaire. Il est donc peu vraisemblable que Bonaparte ait cherché à dissimuler le véritable motif sous le prétexte d’arrêter l’auteur de « Justine », sans être ensuite prévenu. Sade a bien été enfermé à cause de Bonaparte, mais parce que celui-ci avait fait un crime de la liberté de moeurs et de pensée, dont « Juliette » est le resplendissant emblème.

Marquis de Sade - Zoloé et ses deux acolytes

Sade a-t-il tout de même écrit « Zoloé » ? Question brûlante si l’on admet que la qualité du roman dépend de l’authenticité de son auteur. « Il faut bien dire que, de toute cette perfidie imprimée, le seul intérêt, pour nous, est de porter la signature de Donatien de Sade ». Voilà comment Jean-Jacques Pauvert introduit le roman dans son édition de 1954 ; qu’il ne mentionne même plus dans sa biographie de 1990. Maurice Lever, quant à lui, estime que Sade n’en est pas l’auteur, mais qu’on le lui a attribué et qu’il doit à ce roman son incarcération. Cet historien de la littérature invoque comme argument la mauvaise presse que les nouvelles des « Crimes de l’amour » avaient value à Sade.

Contrairement à d’autres textes plus connus de Sade, « Zoloé » est plutôt joyeux : il y a bien quelques évènements cruels, comme une castration — un coup du sort — mais la tonalité générale y est festive. Les soirées masquées au boudoir précèdent les bals, les calomnies et les duels, dans un cadre mondain caractéristique du XVIIIe siècle et du Directoire. L’humour est celui de la comédie, teinté de persiflage. L’érotisme est bien entendu présent dans de nombreuses scènes, mais l’écriture reste allusive, voire elliptique à ce sujet.

« Inutilement essayerais-je de dépeindre les ravissements ineffables, les sensations que de savantes manœuvres surent multiplier. Les oreilles chastes ne sauraient entendre ces détails obscènes, et ma plume se refuse à les tracer ! »

Dans l’ensemble, sans s’attendre à un roman sadien ou sadique, ce bref ouvrage se lit plaisamment, le sourire aux lèvres. Le style du XVIIIe siècle […] avec son vocabulaire érotique et amoureux […], ses longues phrases et sa ponctuation très appuyée, [fait mouche]. Les péripéties se déroulent sans surprise, mais n’en amusent pas moins, tant les personnages que [le lecteur].

Un bref roman d’aventures érotiques, plaisant sans surprise.

Détails sur le produit :
Nom : Zoloé et ses deux acolytes.
Editions : Insomniaque.
Date de publication : 23 octobre 2014.
ISBN-13: 978-2915694741

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Sources : Photo – « Napoléon jetant Justine au feu » attribué à P. Cousturier / Photo – Frontispice de « Zoloé » / Mina Merteuil pour « Mon Salon Littéraire »

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